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2021-06-01 - apparition : ça projète au 105 : la maison artistique (3) : ÉTUDE PÉBIPOLOGIQUE : manifeste
La maison 105 :
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Pour nourrir cette investigation autour et dans la maison 105, pébibopologiquement pourrions-nous ajouter, nous allons lors de cette série d’articles visiter d’autres projets et propositions artistiques basés sur l’exploration disons “hors-les-murs” (hors une salle d’exposition, hors le white cube, etc.) et sur l’exploration plastique et artistique du périmètre ou du volume d’une “maison” :
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que ce soit par le biais d’un “recentrement” autour d’une activité partagée et accueillante définissant une “maison-hôte” (comme la “Womanhouse” de Judy Chicago et Miriam Shapiro, et l'“Experimental Station” de Dan Peterman),
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d’une modification de l’apparence de la maison-même et de son impact sur l’environnement et le voisinage (si l’on regarde de plus près les projets de Doug Aitken, Dennis Oppenheim, Erwin Wurm, etc.),
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jusqu’à se plonger intentionnellement dans le travail séminal d’un artiste très important sur toutes ces questions, Gordon Matta-Clark, en nous permettant d’aborder et d’interroger la puissance des gestes de modification architecturale (découper (splitting, cutting), incliner, ouvrir, faire passer la lumière, collecter-copier-coller, etc.) et comme ceux, et nous creuserons cette notion, d’invention anarchitecturale.
- Cette dernière, comme aussi une autre notion et pratique que nous aborderons une autre fois, la psychogéographie que les pérégrinations cinématographiques d’Andrew Kötting nous font découvrir, nous autorise à requalifier et à nous réapproprier les espaces architecturaux et urbains : lieux de vie, habitats, cabanes, lieux d’alimentation, lieux sociaux, lieux ouverts et lieux d’interventions (nous le verrons tout au long des prochains articles et plus particulièrement celui intitulé cabane, food, open house)…
- …tout ceci est donc dans les pages à suivre, à commencer par la présente…
- car les questions et fondements soulevés via le P9 par un tel projet que celui de la maison 105 peuvent se nourrir de regards historiques ("on ne vient pas de nulle part… …je ne vais pas vous faire un dessin" nous rappelait Tavara Fuente Jorp) afin de permettre de se placer et de creuser plus aisément des perspectives et des prospectives.
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La maison peut être le lieu de la transformation du monde, œuvre-lieu, œuvre-milieu. La métamorphoser peut conduire à montrer, à visibiliser et à activer des modes d’émancipation.
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Si l’on y réfléchit bien, nous ne pouvons nous défaire de la réalité que les maisons voisines du 105, les 107 et 109, sont actuellement occupées par les collectifs sociaux et solidaires, dont les MHS (Maisons d’Hébergement Solidaire) et le Collectif Urgence Sociale Saint-Nazaire Plus Jamais Sans Toi-t. Une maison peut être un lieu de résistance (une cache, une cabane), un lieu de revendication et d’occupation (un squat), un lieu d’émancipation et de réunion (un foyer), un lieu de protection et de refuge (rentrer à la maison), etc.
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Et dans la foulée beaucoup de questions se posent : Qui habite les maisons et qui en est exclu ? Où se situent-elles et de quoi sont-elles faites ? Qui les construit et qui les détruit ? Pour qui sont-elles des prisons ou des espaces de liberté ? (Maisons et Cabanes, Palais de Tokyo, 2021.) (Nous reposerons ces questions dans un article suivant à propos de projets de Gordon Matta-Clark).
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Au travers du projet de la maison 105, et comme l’indique Zoe Adam, un tel “lieu incarne l’indissociabilité de la théorie et de la pratique artistique”, c’est-à-dire que “la praxis apporte l’idée d’un processus à l’œuvre, accentue la notion de pratique, d’un résultat inséparable de la façon d’y arriver”.
De même, la maison, en effet, n’a pas à ressembler obligatoirement à un atelier d’artistes pour être identifiée ou reconnue artistiquement, mais plutôt, et c’est notre hypothèse, à un centre ouvert (un libre-lieu ? une œuvre-milieu ?) et à un espace libre, libéré, délibéré et libérateur, auquel peut assister et participer un public, co-opérateur, co-créateur, co-auteur, dépassant les seul.e.s artistes elleux-mêmes (la notion de “public” pouvant là aussi être dépassée tout simplement par ce qu’il se passe “vraiment” sur place ; il s’agit sans doute : d’ouvrir, d’offrir et de maintenir, etc.).
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Un projet tel que Womanhouse que nous allons décrire dans l’article à suivre peut indiquer et clairement énoncer qu’il y a continuellement imbrication entre pratiques artistiques et pratiques sociales (sans avoir à dire que l’une égale l’autre ou qu’elles puissent se confondre) et qu’il est sans doute aussi impossible d’évacuer la dimension politique de tout geste et de toute décision artistiques : tout geste comme toute décision ne peuvent être inconséquents (même s’ils restent ou apparaissent gratuits et s’ils semblent ne pas être ou ne pas porter un message) et ils ne peuvent pas être que cosmétiques (même s’ils jouent des parures et créent du sensible).
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Une autre approche que l’on ne peut ni éluder ni contourner est celle de la considération immobilière liée à l’abord des questions de propriété et à la nécessaire productivité demandée aux espaces et aux lieux (La Pébipologie aborde cette question, à la suite de Gordon Matta-Clark, dans le projet des parcelles délaissées développé par Sally Mara Closterwein ; nous en verrons les origines et les potentiels de sa mise en œuvre). Il apparaît que tout lieu doit être identifié (ne pas se présenter flou) et périmétré (sans débord et à la bonne surface) et doit correspondre à une gestion explicite qui en délimite les droits et les devoirs des usagers, comme son exploitation. Ceci permet que ces lieux soient “assurés” et maintenus par une autorité unique (individuelle ou publique ou encore morale) quels que soient les usages. Conséquemment il existe très peu de lieux définis par leurs usages-mêmes (les usages qu’on en fait et qui arrivent) et modifiés continuellement par ceux-ci, car cela demanderait que leur définition et leur identification soient sans cesse reportées, voire considérées comme non importantes, inutiles, et constamment transformées. Leur statut serait continuellement mouvant et fluctuant.
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Dans notre cas, avec le 89, le 105 et les espaces jardins, nous voyons bien que la construction et la notion de la propriété sont fragilisées et qu’elles nous intéressent peu, à part dans le ou les cas, et nous revenons aux questions posées plus haut (Qui habite… etc.), où les accès sont autoritairement restreints et générent des disruptions dans les relations humaines et sociales (on voit bien que les conversations et les circulations possibles et délibérées sont autoritairement contenues et contraintes, comme si les nouvelles règles seraient maintenant de moins échanger et de moins circuler librement).
À l’opposé de cela, nous (P9) donnons accès, accueillons projets et personnes, partageons les ressources du bâtiment, de la maison, des jardins, du terre-plein (P), car il serait inconvenant de s’interdire de découvrir de nouvelles expérimentations, de nouvelles manières de faire, de dire, d’explorer, etc. Nous avons refusé la pose d’une clôture autour du terrain il y a deux ans, il y avait bien une raison…
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Nous sommes pourtant à une époque et dans un contexte où les urgences crées par l’accumulation de ces contraintes sont criantes, car ce mouvement astringent produit de plus en plus de précarité et d’exclusion en nous faisant croire que tout est saturé (il n’y aurait plus de place pour librement faire ce que l’on veut, pour créer, pour observer, pour étudier, pour occuper, pour s’occuper, etc.) alors qu’il y a plein d’espaces libres, de maisons vides, etc. dont l’occupation et l’usage ne perturberaient pas (rien de plus). Mais, à la place de cela, ces espaces sont violemment confisqués, et donc laissés vides volontairement jusqu’à dépérir par eux-mêmes, avant leur destruction et leur démolition. Le transitoire n’est même pas envisagé, alors que tout est tout le temps transition. Sans dynamique, sans transition, on ne peut plus bouger, on ne peut plus penser, on ne peut plus pratiquer.
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Cette situation n’est pas unique et liée à une conjoncture exceptionnelle (la nôtre aujourd’hui, dans un monde d’urgences), et pour mieux la comprendre et s’y émanciper, comme pour aussi y anticiper, il nous faut absolument regarder et comprendre d’autres moments antérieurs (c’est pour cela que nous allons nous attacher à regarder de plus près le travail et le parcours de l’artiste américain Gordon Matta-Clark dans le contexte urbain de SoHo à New York au milieu des années 70 : il sera étonnant de voir et de découvrir certaines similitudes). Même les investisseurs (privés) et les constructeurs (politiques) pourraient y voir des solutions et des opportunités (par ex. prêter les lieux)…
- Ce qui est oublié à propos des espaces et des lieux, c’est qu’on les voit, qu’ils sont disponibles à la vue, à la double-vue, à des visions (on est très fort en création sur ces sujets), que leurs limites, périmètres, surfaces ne sont que théoriques et totalement abstraits. Pourtant, on pourrait parler de géologie, de spéléologie, de météorologie, de strates, de nuages, de poussières, d’air et de lumière, de sons, de propagation sonore, d’échos, etc. : c’est ce que tente à sa manière La Pébipologie au travers du P9 et de ses projets. Et là, nous allons voir que toutes ces affaires sont vraiment palpitantes…
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- —menu projet maison 105—
- (4) des maisons artistiques : maison féministe
- (5) d’autres maisons artistiques : maison mirages, maisons rivages, maisons passages
- (6) ultime maison artistique : Gordon Matta-Clark : la maison découpée et anarchitecturée
- (7-1) ultime maison artistique : Gordon Matta-Clark : trouer…
- (7-2) ultime maison artistique : Gordon Matta-Clark : …et buter
- (8) ultime maison artistique : Gordon Matta-Clark : les découpes et les murals
- (9-1) ultime maison artistique : Gordon Matta-Clark : anarchitecture
- (9-2) ultime maison artistique : Gordon Matta-Clark : anarchitecture : les portes
- (10) ultime maison artistique : Gordon Matta-Clark : cabane, food et open house
- (10-2) ultime maison artistique : Gordon Matta-Clark : liste de références
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