ARTICLES
2021-07-07 - apparition : ÉTUDE PÉBIPOLOGIQUE : ouestern P (1)
- Sur le terre-plein du P , depuis 2019, deux, puis trois puis quatre chevaux ont été installés par une propriétaire voisine du grand terrain. Ils participent de l’imaginaire de la plaine et du lac que suscite le P .
.
.
On imagine qu’ainsi un récit commence…
Par un mois de juillet venteux et très ensoleillé, une personne aventureuse et cavalière n’ayant pas froid aux yeux, parcourait à cheval la large plaine sèche du P, en cherchant par tous les moyens à retrouver l’ambiance et les couleurs, comme les profondeurs et les perspectives des fonds et des arrière-plans, d’une peinture flamande célèbre.
D’autant plus que la même personne, amateure de papillons et de papillonnages, prénommée d’un drôle de blase, Spinoza, et un temps affublée de deux acolytes, Gombrow et Danti, qui, aussi solitaires qu’elle, avaient emprunté d’autres chemins au milieu de leur vie, paraissait résolue à déjouer tous les pièges tendus par un contexte très astringent et boulimique qui peu à peu anéantissait tout et pour cette raison cristallisait toute son aversion.
À cause d’embûches dressées au fur et à mesure et qu’elle avait découvert au fil de son avancée, il lui avait fallu battre en retraite et battre la campagne beaucoup plus loin qu’elle ne l’avait pensé. Spinoza entrait maintenant dans une saga superbe d’un monde second enserré et caché dans le monde visible, là où seule l’imagination n’avait plus de limites.
Tout à coup Spinoza réalisa que son embardée l’emmenait en pleine époque parallèle, dans un récit parmi d’autres récits, dans des plans cachés et méconnus, dans des insondables abîmes de temps, séparés d’eux et simultanément inclus dans leurs mêmes labyrinthes de chevauchées antiques et d’itinéraires hors des sentiers battus, dans Delft agrandie et kaléidoscopée, Shangri-la et Shambhala dans sa lumière bleutée et son temps dilaté, au beau milieu de marais sans fin et de corridors et de gorges impressionnantes.
.
.
.
La nuit avait été noire, et le vent du désert continuait de balayer le plateau du P en gémissant. Empruntant ces pistes muletières Spinoza fit traverser la voie et le passage à son rouan fatigué ; puis, rejetant son chapeau en arrière, son regard se leva vers la pente qui s’étendait dans le prolongement du chemin. Une faible clarté rougeoyante dans le bleu total et permanent lui apprit que les autres chevaux étaient déjà arrivés au rendez-vous et, au fur et à mesure de sa lente progression, lui parvenait subrepticement une odeur âcre comme celle de la fumée d’un feu invisible à laquelle se mêlait le délicieux arôme de l’air de la mer et de toutes ses effluves.
La lune s’était évaporée de bonne heure, et il lui faudrait attendre pour reprendre ses recherches ; car dans une telle contrée une personne sans couverture et sans alibi était trop facilement repérable et, encore, tout cela restait de l’ordre du possible si toutefois les chevaux n’étaient pas trop éreintés. Car pour trouver un abri et un champ d’opération stable, il lui faudra toute la journée suivante et celle-ci par conséquent sera assurément longue et dure. Ce fut un léger halètement de l’air qui d’un coup le mit en alerte car de sa position il était impossible d’apercevoir l’endroit exact où il lui semblait que se trouvait le camp. Et comme il atteignait une saillie rocheuse qui courait le long du flanc du plateau, d’autres hennissements parvinrent à ses oreilles ; néanmoins et, apparemment, à partir de ce moment-là, il paraissait que rien d’autre ne changerait. Puis au loin, sans autre avertissement, deux ombres se profilèrent sur le large plan, démesurées, grotesques.
Il y eut un long instant de silence et tout se mit à s’assombrir de plus en plus malgré le temps estival qui courait depuis plusieurs semaines. On pouvait vérifier : cet apparent désert ressemblait bien à une fournaise noire et sans cesse tournoyante à cause de ces séries de pentes et de buttes dans lesquelles s’engouffraient des myriades de courants d’air. Les points de repos y étaient rares. Spinoza s’accroupit davantage donnant l’illusion de s’enfoncer dans le sol chaud : un mouvement subtil tout en correspondance avec la réflexion qui l’inondait. Les deux ombres étaient bien plantées devant sa position.
(Peter Junof, d’après “Une nuit en Arizona” (Judas Gun, 1964), de Gordon D. Shireeffs, librairie des champs-élysées, collection Western, Le Masque, 1976)
.
.
La suite du récit dans l’épisode suivant…
.
.
photographie documentaire aux alentours de Devils Tower dans le Wyoming aux USA.
.
.
à droite : Albert Bierstadt, (1830-1902), Landscape, Storm Clouds, date inconnue.
Caspar David Friedrich, Landschaft mit Gebirgssee Morgen (Paysage au lac de montagne, matin), 1823-1835.
.
.
sur le P…
.
.
Westworld, du premier épisode de la saison 1 au dernier épisode de la saison 2…
.
.
- partie 1 : Inutile randonnée
- partie 2 : Le Ouestern du P ; Le Ouestern de Spinoza
- partie 3 : Partie du Récit Ouestern de Spinoza
- partie 4 : Spinoza et les images
- partie 5 : Warhol ouestern
- partie 6 : L’art et le ouestern
- partie 7 : Le ouestern filmé : les protagonistes
- partie 8 : Le ouestern filmé : des hypothèses
- partie 9 : Le ouestern en cavalcade : le manège
- partie 10 : Réaction à Spinoza : No Western without a Horse, par Boris Grisot — (ép. 1) — (ép. 2) — (ép. 3, vidéo)
.
.
.
- lieu
- activation
- pébipologie
- ouestern
- animal
- paysage
- littérature
- histoire de l'art
- bierstadt
- Friedrich
- le P
- le lac
- cheval
- spielberg
- le P
- westworld
- gombrowicz
- dante