LE PROJET NEUF
2023-08-28 - Chantier : Spinoza Spinola à Bruga Braga
(Une aventure de plus) (1)
.
.
1
Le grand terre-plein et terrain du télescope étant devenu inaccessible, Spinoza Spinola s’évade mentalement et se projète à Bruga Braga (autrement dit : Brugge dans la Manche-Mancha <1>). Pourquoi ?
Parce que Brugge sera certainement une étape ou une escale (tout comme l’a été Kaffa à cause de Rimbe-Rimbo) avant que, par terre ou par mer, les Spinoza ne rejoignent Amsterdam (là où on les connaît davantage, là où on les voit mieux et là où on les a toujours vus (ce qui sera, entre guillemets, préjudiciable à Spinoza [2] [3]) et ce, un pareil voyage épique, via La Mancha.
Les bancs autour du P auraient certes pu rester des positions d’observation et de points de vue autour du terrain, mais celui-ci, est devenu à présent trop fréquenté et trop sonore à nos oreilles, tout cela à cause de toutes ces opérations de manœuvres de construction; il n’est plus aisément projetable, il est devenu moins plateau de cinéma pour le ouesterne spinoza, et ce depuis ces derniers mois.
Pour preuve, le panneau à l’autre bout, près de la station, avait été démonté par les équipes de transplanteurs de la sorte que Spinoza ne disposait plus de son dispositif visuel et scopique <2> en tant que “viseur” de cadrage. Ce panneau avait été mis à bas et avait disparu. Comme ces peintres qui avaient utilisé leur “miroir de Claude” [1 - et aussi dans cet article sur ce blog] pour de nouveaux effets de cadrage et de teintes, il lui fallait dorénavant tourner le dos au motif et donner à partir de maintenant un coup de rétroviseur <3>.
Ainsi le P était désormais difficilement transposable en une table de projection (presque table lumineuse et table de travail, instruments de la double-vue) pour la mise en place des plans du télescope au milieu de la sierra.
Il lui fallait donc bouger.
Puisque La Pébipologie ne s’éteint pas aussi facilement ; Spinoza en son temps l’avait dit : « Une chose ne cesse pas d’être vraie parce qu’elle n’est pas acceptée par beaucoup » (Source) <4>.
En s’éloignant du chantier et en arrivant par la Mancha et par le Zwin [2] à Brugge (Bruga-Braga) <5> (on aurait voulu passer par “Trouville/Holetown” mais on n’a pas pu ; on écrit Holetown comme “Charlestown / Charleville” comme aimait le dire Rimbe Rimbaud), Spinoza avait retrouvé sa maison [3] et dans le même temps Spinoza Spinola retrouvait ses marques.
.
(on continue avec la série d’images ci-dessous que vous trouverez après les notes de bas de page)
.
.
.
notes
[1] — On reconnaîtra ici le nom de la ville de Bruges en Flandres en Belgique. En néerlandais, Bruges se dit Brugge, et en allemand, Brügge. Grâce à un raz-de-marée en 1134, un bras de mer, le Zwin, s’ouvrit et donna à la ville l’accès direct à la mer lui permettant de prendre un essor extraordinaire et de devenir une plaque tournante internationale. Grande partenaire de la ville de Venise, elle est à la fois historiquement le lieu de création de la première bourse des valeurs (devant l’hôtel de la famille Van ter Buerse), avant de passer le relais (à cause de l’ensablement définitif du Zwin) à la ville voisine d’Anvers, et à la fois le centre le plus important des peintres primitifs flamands qui révolutionnèrent la peinture occidentale.
[2] — Voir à ce sujet le film de Peter Greenaway, Meurtre dans un jardin anglais (The Draughtman’s contract) (1982), dans lequel le cinéaste cite les théories de l’historienne de l’art américaine Svetana Alpers sur les différences entre les « régimes scopiques » de l’art hollandais et de la Renaissance italienne (dans son livre “The Art of Describing”, 1983). Greenaway dit avoir une certaine prédilection pour l’œuvre de Vermeer, qui aurait selon lui anticipé l’ invention du cinéma en faisant usage de différents instruments d’optique pour réaliser ses toiles (microscopes, télescopes, camera obscura, etc.). Voir : Ruth Johnston, “Archéologie du cadre cinématique “Meurtre dans un jardin anglais” de Peter Greenaway (1982)”, traduit de l’anglais (États-Unis) par Raphaël Koenig, in Nouvelle revue d’esthétique 2015/2 (n° 16), Presses Universitaires de France, pp.109-122 ; DOI 10.3917/nre.016.0109 ; https://www.cairn.info/revue-nouvelle-revue-d-esthetique-2015-2-page-109.htm&wt.src=pdf . ‒ <retour>
[3] — Le miroir noir, dit aussi “miroir de Claude Lorrain”, ou “miroir de Claude”, est un petit miroir, à la surface légèrement convexe et teinté d’une couleur sombre, traditionnellement au noir de fumée. Le miroir noir a pour fonction de présenter le sujet à traiter isolé de son environnement et de rabattre les tonalités du motif, permettant ainsi une rapide détermination d’un cadrage optimal et une meilleure appréciation de la répartition des valeurs. Cet accessoire était employé de façon intensive et son emploi reste réputé concernant les artistes paysagers en Grande-Bretagne à la fin du XVIIIe et au début du XIXe siècle. L’utilisateur, tournant le dos à son sujet utilise le miroir dans la direction opposée mais avec une attention et une concentration équivalentes à celle du photographe composant son sujet dans le viseur de son appareil (Source Wikipedia). Voir également cet article. Autres références : https://www.lecompendium.com/dossier_optique_128_miroir_de_lorrain/miroir_de_lorrain.htm ; https://fr.wikipedia.org/wiki/Miroir_noir ‒ <retour>
[4] — Selon la traduction de Charles Appuhn. In : Baruch Spinoza, « Court traité sur Dieu, l’homme et la béatitude » (Court traité de dieu, de l’homme et de la santé de son âme) (1660-1661), seconde partie (de l’homme et de ce qui lui appartient), chapitre XXVI, “De la vraie liberté”. [1] [2] [3] [4]
[5] — Le Zwin est un ancien bras de la mer du Nord en Belgique et aux Pays-Bas, aujourd’hui ensablé, qui séparait le territoire littoral du continent. Le mot Zwin vient d’un mot germanique désignant une lagune parallèle au rivage marin, comme ces mares retrouvées sur l’estran à marée basse, ou par extension un chenal, une crique d’origine naturelle au-delà des digues, entre celles-ci et la mer. Le Zwin est le plus grand territoire salé de Belgique. Les vasières et prés-salés, situés derrière la plage et les dunes, sont partiellement ou totalement inondés par la mer à marée haute. Aujourd’hui les vestiges de ce bras de mer constituent une réserve naturelle, la première créée en Belgique en 1952 par le comte Léon Lippens qui dirigeait la compagnie « Le Zoute » à laquelle le Zwin fut cédé en 1924, et qui fut l’un des plus grands pionniers dans le domaine de la sauvegarde de la nature en Belgique.
.
.
2
<1> À son arrivée Spinoza Spinola reconnut les polders.
.
<2> Dans lesquels Spinoza Spinola installa son campement…
<3> …et s’activa en s’essayant à se dédoubler dans le même lieu.
.
<4> En cheminant plus en avant, le lieu-dit s’annonça. Spinoza Spinola retrouva ses marques, le nom correspondant parfaitement aux buttes autrefois présentes sur le P.
.
<5> C’est alors qu’apparut sa maison tout de suite reconnaissable, tant les images lui étaient restées dans la mémoire.
<6> Les vues à l’arrière étaient restées identiques et immuables.
<7> En y entrant et en ouvrant les fenêtres, il était facile de retrouver les sensations de familiarité.
.
.
L’intérieur n’avait nullement changé. Rien n’y avait été modifié.
.
<8> Son chapeau melon qui avait précédé une longue suite d’autres chapeaux : sombrero, stetson, deerstalker.
<9> Puis un autre de paille avec ses chaussures de jardin, juste posés à l’arrière de la maison.
<10> Il y avait même sur un des meubles encore là, une des photographies sur laquelle Spinoza Spinola revêtait son poncho.
<11> Puis son regard tomba sur sa planche d’insectes.
.
<12> Au mur, Spinoza Spinola retrouvait ses esquisses de ouesterne.
.
<13> Et au fond, ses autoportraits.
<14> Au sol, les fils que Spinoza Spinola affectionnait.
<15> Et ses boîtes d’optiques et de lentilles.
.
<16> Spinoza Spinola reconnut sur une autre table près de la fenêtre ses premières élaborations de la maquette du MIP (le Musée Invisible de La Pébipologie) [2].
.
.
Dans le fond du débarras, Spinoza Spinola remit la main sur le casier n°13.
.
<17>
Dans lequel étaient toujours présents : son manuel d’optique et de radio, ainsi que ses épreuves de lentilles qui étaient rangées en séries et par colorimétrie :
<18>
<19>
.
<20> Au fond du coffre 13, son plan de jonction entre lieux éloignés (tels le P et Bruga-Braga ou encore Kaffa) : “Quel spectacle glorieux ! Bravo Johnny !”.
.
.
Au bout de quelque temps, Spinoza Spinola décida de sortir et d’ausculter les alentours ‒ comme de se mettre, pour une fois, les yeux en face des trous ‒ afin d’apprécier les liaisons évidentes que son regard découvrait au fur et à mesure que ce travail de rétrospection couplé à celui de l’éloignement du P avançait. C’était là, dans ces moments si particuliers, que La Pébipologie montrait et démontrait les tactiques de déguerpissement.
.
<21> En se reculant, un saut en arrière, Spinoza Spinola découvrit où sa maison se trouvait actuellement.
.
.
.
Menu :
chantier du P 06/2023
chantier du P 07/2023
chantier du P 08/2023
chantier du P 08/2023 - poème 1
chantier du P 08/2023 - poème 2
chantier du P 08/2023 - poème 3
chantier du P 08/2023 - résidence artistique et gentrification : Le P barbizoné
chantier du P 08/2023 - Spinoza à Bruga Braga
chantier du P 08/2023 - Le P-Bruga Braga
chantier du P 09/2023
.
.
.
Références
<1> ‒ Deux vues prises à Manvieux. Suivies d’une peinture de Joseph-Théodore Coosemans (1828-1904), “Rayon de soleil après la tempête”, Groeningemuseum, Bruges, Belgique, (Source).
<2> ‒ Prise de vue à Neufchâtel-Hardelot, près du château.
<3> ‒ Deux photographies superposées à 0,2sec, prise à Port-en-Bessin du haut du Castel.
<4> ‒ Panneau trouvé à Piacé dans la Sarthe, dans le village où vécut Norbert Bézard, militant syndicaliste, céramiste et peintre, à l’origine du projet de ferme et village coopératifs avec Le Corbusier, qui sont restés non construits.
<5> <6> ‒ Maisons à Bruges (Belgique).
<7> ‒ Vue prise à travers une fenêtres du Groeningemuseum, Bruges, Belgique.
<8> ‒ Vue prise dans le château de Neufchâtel-Hardelot.
<9> ‒ Peinture : Anonyme, “Repos pendant la fuite en Égypte” (détail), vers 1560, Groeningemuseum, Bruges, Belgique (Source).
<10> ‒ À gauche et à droite : vues d’une fenêtre au château de Neufchâtel-Hardelot. Au centre : peinture de Pieter Brueghel II (1564-1638), “La Prédication de saint Jean-Baptiste” (détail), entre 1601 et 1620, Groeningemuseum, Bruges, Belgique, (Source).
<11> ‒ Planche trouvée chez un brocanteur à Sées.
<12> ‒ Dessins détournés photographiés dans une vidéo tournée dans l’atelier de David Claerbout (Groeningemuseum, Bruges, Belgique).
<13> ‒ À gauche : détail d’une peinture de Rogier van der Weyden (1399-1464), “Saint-Luc dessinant la Madone”, avant 1500, Groeningemuseum, Bruges, Belgique, (Source). À droite : Peter Lely (Pieter Van der Faes) (1618-1680), “Portrait de Samuel Crew” (vue recadrée), vers 1650-1652, Groeningemuseum, Bruges, Belgique, (Source). À droite : détail d’une peinture de Gaspar de Crayer (1584-1669), “La Sorcière d’Endor faisant apparaître le fantôme de Samuel devant Saül”, 1619, Groeningemuseum, Bruges, Belgique, (Source).
<14> ‒ Vue d’un fil trouvé sur le trottoir dans la ville Le Portel.
<15> ‒ Vue prise dans le château de Neufchâtel-Hardelot.
<16> ‒ Vues d’une sculpture de Georges Vantongerloo (1886-1965), “Élément indéterminé”, 1955, Groeningemuseum, Bruges, Belgique, (Source).
<17> ‒ Vue prise dans le Groeningemuseum, Bruges, Belgique.
<18> ‒ Vue prise dans le château de Neufchâtel-Hardelot.
<19> ‒ Vues réalisées à l’aide d’un kaléidoscope transparent et d’un téléphone portable.
<20> ‒ En haut et en bas, détail d’une gravure/caricature “Plan for Great Britain” au château de Neufchâtel-Hardelot. Au milieu : Carte du tunnel sous-marin (sous la Manche) entre l’Angleterre et la France, plan géographique du projet, tiré de la revue “Le Monde Illustré”, château de Neufchâtel-Hardelot.
<21> ‒ Vue prise sur la plage de la ville Die Haan (Belgique).
.
- open summer
- chantier
- paysage
- spinoza
- spinola
- télescope
- le panneau
- optique
- les lentilles
- voorburg
- rijnsburg
- brugge
- le P
- la double-vue
- les buttes
- déguerpissement
- la lémancolie
- psycho-géographie
- la chapologie
- les chapeaux
- accoutrement
- ouestern
- animal
- MIP
- plan
- lippens
- zwin
- trouville
- charlestown
- pérégrination
- spleen
- principe associatif
- hypothèse
- mancha
- les bancs
- gifanim