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2021-06-01 - apparition : ça projète au 105 : l'ultime maison artistique (8) : ÉTUDE PÉBIPOLOGIQUE : Gordon Matta-Clark : les découpes et les murals
Gordon Matta-Clark (1943-1978) :
- Bronx Floors (1972-1974)
- North-West, South-East (1975)
- Walls Paper (1971) et (1973)
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Bronx Floors
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- Après les découpes qu’il réalise “fonctionnellement” dans le restaurant Food en 1972 (et que nous verrons dans l’article suivant), Gordon Matta-Clark produit ses premiers Cuttings (découpes) dans son propre appartement 4th Street à Manhattan, puis dans des appartements abandonnés dans le Bronx (ses réalisations à partir de planchers découpés s’intituleront conséquemment Bronx Floors : Tresholes — (en jouant sur les mots : -holds et -holes, thresholds signifiant seuils en anglais, et holes, trous, trouées ; on pourrait alors traduire thresholes par “trous à ordures” selon Romain Duval, ce qui n’est pas très probant étymologiquement parlant, son interprétation jouant sur le fait que “thres” peut se rapprocher de “trash” ; notre interprétation suivra plutôt l’étymologie initiale : “des barrières-trous” ou des battants-trous" = des “trappes” et “chausses-trappes” (voir ici) — et d’autres suivants prendront également et successivement d’autres génériques : Bronx Floors : Boston Road, 4 Way Walls, Boston Road Floor Hole, etc.).
- Il s’agit d’une série de découpages illégaux que Matta-Clark réalise en 1971 et 1972 dans des murs et des planchers d’immeubles résidentiels et abandonnés à New York dans le quartier du Bronx.
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Gordon Matta-Clark utilisait donc dans ses expositions les parties de murs découpés et les associait avec des photographies qu’il prenait sur les lieux-mêmes. Par exemple, ci-dessus, on peut remarquer le travail de proportions réalisé par Matta-Clark : les photographies selon un point de vue sont à la même dimension que la partie de mur découpé et posé sur la table. De même, on pourrait croire que la photographie représente le “manque” (la partie du mur enlevé) alors que la photographie est celle d’un trou et de ce que l’on voit par ce trou réalisé, et là, notamment, ce sont des fenêtres, l’illusion faisant croire que ce qui est blanc dans la photo est le trou, le vide, alors qu’il s’agit de ce que fait découvrir la découpe réalisée du mur. Les photographies montrent les perspectives offertes par la soustraction des blocs et montrent l’entrée de la lumière dans les pièces et les volumes auparavant fermés ou occultés.
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Gordon Matta-Clark, Bronx Floors (Planchers du Bronx, planchers découpés), 1972-1974. https://www.moma.org/collection/works/81396 et Col. Fundação de Serralves, Museu de Arte Contemporânea, Porto.
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“Plus tard dans l’année, je fis une série de visites dans les ghettos du Lower East Side et du Bronx. […] La plupart de ces immeubles avaient été incendiés et représentaient l’essence même de l’abandon urbain. Tout ce que je faisais dans ces premières œuvres, c’était de me promener dans les immeubles, avec une scie à main pour découper des sections rectangulaires dans le sol ou les murs, afin de créer une perspective d’une découpe à l’autre. Les sections étaient soigneusement transportées depuis leurs positions originelles jusqu’à la galerie d’art. Je me souviens que les conditions de travail étaient toujours particulièrement difficiles. Non seulement nous fûmes interrompus par la police à plusieurs reprises, mais nous le fûmes aussi par des gangs qui se promenaient dans les parages. Ce travail baignait constamment dans une atmosphère de paranoïa aiguë." (Gordon Matta-Clark, in Véronique Legrand, Gordon Matta Clark, catalogue, Musée Cantini, 1993)
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“J’essaie d’utiliser de manière différente un espace extrêmement familier. J’aime à penser à mes œuvres comme à des questions détournées de design imaginatif, qui proposeraient des moyens de repenser ce qui existe déjà… Je veux réutiliser les connaissances anciennes, un système de pensée et des perspectives qui existent déjà. J’altère les unités de perception qui d’ordinaire employées pour juger de la robustesse d’une chose. C’est une réponse organique à ce qui a déjà été bien fait. Plus qu’un appel à préserver ces bâtiments, mon travail réagit contre l’obsession hygiéniste faite au nom de la rénovation, qui balaie toute les petites choses qui rappellent le passé… pour les remplacer par des trottoirs et des parkings. On creuse des fondations plus profondes pour de nouveaux bâtiments dans ce qui aurait pu constituer une riche stratification souterraine. Seuls nos tas d’ordures s’élèvent tandis qu’on y empile l’histoire." (Gordon Matta-Clark)
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“Je ne vois pas pourquoi les gens ne pourraient pas être en colère. En un sens, mon travail ne fait qu’accentuer la destruction. Je n’essaie pas de faire de la destruction une belle expérience, je la conçois comme un élément d’un gâchis plus vaste.
Elle permet de réagencer une situation, qui, indépendamment de mon intervention, serait de toute façon condamnée. En fait, je m’empare d’une situation à la dernière minute et j’essaie de la transformer en une sorte d’expression alternative." (Gordon Matta-Clark) -
“My activity takes the form of a theatrical gesture that cleaves structural space." — “Mon activité prend la forme d’un geste théâtral qui fend l’espace structurel." (Gordon Matta-Clark)
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North-West, South-East
Gordon Matta-Clark, “North-West”, 1975.
Gordon Matta-Clark, “South-East”, 1975.
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Quadrille
- A) THE SUSPENSE OF CUTTING RIGID PARTS FREE OF THE WHOLE [le suspense de découper et d’ôter des parties rigides de l’ensemble];
- B) OPENING UP VIEWS THROUGH THE UNVISIBLE [ouvrir des vues à travers le non-visible];
- C) DESTRUCTURAL PUNCTUATION CENTERING ON CRITICAL POINTS OF STRESS [ponctuation destructurelle centrée sur les points de contrainte critiques] ;
- D) THE WHOLE HOUSE WORKS TO RECEIVE ITS INTRUDER [la maison tout entière travaille à accueillir son intrus].
Gordon Matta-Clark, phrases-légendes de Quadrille, un projet de publication non réalisé, vers 1973. (Source)
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Walls Paper
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- L’année précédente, en 1971, il avait également réalisé ce qu’il appelle des Walls Paper : des photos de murs qu’il apposait de manière régulière sur un mur d’exposition, afin que cette composition fasse aussi “mur”.
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Gordon Matta-Clark installant Walls Paper dans l’espace du 112 Greene Street, New York, 1971.
Walls Papers, le site à NY, lieu de collectage, 1972.
WALLS PAPER est un jeu de mots entre “Wall paper” « papier peint » qui devient avec le pluriel “Walls” : donc littéralement « journal de murs », réalisé à partir de photographies de bâtiments partiellement effondrés du quartier de Manhattan, du Bronx et de Brooklyn, avec les traces apparentes à l’air libre de papiers peints multicolores. Matta-Clark se mit à imprimer sur papier journal ses récentes découvertes sur les murs du 112 Greene Street : “Il choisissait des verts et des jaunes très bizarres et très acides et colla le papier sur les murs du 112, ce qui le fit ressembler à une rue normale” (Carol Goodden, in GMC : a Retrospective, catalogue d’exposition, Museum of Contemporary Art, Chicago, 1985). Si l’espace du 112 (Greene Street, là où était présentée son exposition) ouvert 24h/24h figurait déjà comme une extension du domaine public, il se couvrait désormais des peaux mutilées de son homologue extérieur.
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Il continuera et associera à ce travail celui de publication : le livre Walls Paper paraîtra en 1973 chez Buffalo Press :
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Gordon Matta-Clark a créé cette œuvre-livre issue de son installation Walls Paper à partir des photographies en noir et blanc prises dans des immeubles à moitié démolis du Bronx. Les photos ont été recolorées avec des encres jaune, verte, bleue, rouge, violette et orange, et imprimées sur de fines pages divisées au milieu, de sorte que les moitiés haut et bas de chaque photographie individuelle peuvent être recombinées en les mélangeant, les assortissant et les désassortissant. En effet, le dispositif du livre encourage à expérimenter des combinaisons entre les moitiés de photographies. Le résultat est une sorte de « livre d’échantillons » des murs en ruine.
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- Les images originales des murs photographiés par Gordon Matta-Clark :
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- —menu projet maison 105—
- (1) la maison 105
- (2) la maison 105 : tapie Clémence photographie
- (3) la maison 105 : manifeste
- (4) des maisons artistiques : maison féministe
- (5) d’autres maisons artistiques : maison mirages, maisons rivages, maisons passages
- (6) ultime maison artistique : Gordon Matta-Clark : la maison découpée et anarchitecturée
- (7-1) ultime maison artistique : Gordon Matta-Clark : trouer…
- (7-2) ultime maison artistique : Gordon Matta-Clark : …et buter
- (8) ultime maison artistique : Gordon Matta-Clark : les découpes et les murals
- (9-1) ultime maison artistique : Gordon Matta-Clark : anarchitecture
- (9-2) ultime maison artistique : Gordon Matta-Clark : anarchitecture : les portes
- (10) ultime maison artistique : Gordon Matta-Clark : cabane, food et open house
- (10-2) ultime maison artistique : Gordon Matta-Clark : liste de références
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- Catalogue des histoires pébipologiques :
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