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2021-03-30 - apparition : incendie
Un matin, un incendie à l’entrée du P :
les piquets brûlés serviront plus tard au jardin.
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Face à l’incendie
Messieurs les membres du Tribunal ! Monsieur le Procureur ! Je pressens que tout finira mal ! Quelque chose s’est détraqué entre moi et le monde.
(Witold Gombrowicz, L’Histoire (Opérette) (Operetka), 1967)
Combien de fois la nuit fait intrusion dans notre jour ! […]
Je pressens […] que bientôt viendra le moment du Grand Tournant. Le fils de la terre comprendra qu’il ne s’exprime pas en accord avec sa nature profonde, mais dans une forme artificielle qui lui est douloureusement imposée du dehors, soit par les hommes, soit par les circonstances. Il en viendra donc à avoir peur et honte de sa forme, alors que jadis il la révérait et s’en glorifiait. Nous nous mettrons bientôt à redouter notre personne et notre personnalité en discernant qu’elles ne sont pas pleinement nôtres. Et au lieu de meugler : “Voilà ce que je crois, voilà ce que je sens, voilà ce que je suis, voilà ce que je soutiens”, nous dirons avec humilité : “Quelque chose en moi a parlé, agi, pensé…"
Pour commencer, rejetez une fois pour toutes le mot “art” et le mot “artiste”. Cessez de vous plonger dans ces vocables et de les ressasser avec monotonie. Ne peut-on penser que chacun est plus ou moins artiste ? Que l’humanité crée de l’art non seulement sur le papier ou sur la toile, mais à chaque moment de la vie quotidienne. […] D’autre part que signifie votre culte d’un art qui serait contenu dans les « œuvres » ? Pourquoi imaginez-vous sottement que l’on admire tant les « œuvres d’art » et qu’on défaille de délices en écoutant une fugue de Bach ? N’avez-vous jamais réfléchi au caractère impur, trouble, incomplet de ce domaine culturel que vous voulez enfermer dans votre phraséologie simpliste ?
Vous commettez sans cesse une erreur commune : vous réduisez les rapports de l’homme avec l’art à la seule émotion esthétique et vous la considérez sous un aspect purement individuel, comme si chacun de nous communiait seul dans son cœur (ou son estomac) avec l’art complètement isolé de ses semblables. Or, en réalité, nous avons affaire ici à un mélange composite d’émotions et aussi de gens qui, s’influençant mutuellement, produisent une émotion collective. […]
DA CAPO le déferlement, le gonflement, le grossissement à la puissance 101, l’augmentation et la tension, l’affinement et le frôlement, l’étirement, l’absorption monotone, l’accumulation et la suspension - sans fin, sans fin, sans limites, vers le haut et vers le bas, avec Stan un peu plus loin.
(Witold Gombrowicz, Ferdyduke, 1937)