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2023-01-20 / 2023-01-23 - Workshop WAou#11 - une introduction à l'exposition Bisou WAou
Une exposition / workshop / festival
L’exposition Bisou WAou a été montée en deux/trois jours avant l’ouverture publique le 24 janvier. Cette exposition a été conçue par l’équipe WAou (la WAou team) pour apparaître en plusieurs phases, disons trois correspondant à peu près aux trois semaines de la durée de l’exposition, plus des moments spéciaux organisés ponctuellement les samedis et les mardis et pouvant être récurrents. Les autres montages nécessaires pour les phases suivantes afin de changer les “scénographies” d’exposition se dérouleront les lundis (jour de fermeture publique) et les évolutions ponctuelles pourront se préparer et s’ajuster lors des matinées des journées mêmes.
On peut parler d’une forme évolutive d’exposition, ou mieux, d’une forme processuelle dont l’équipe a trouvé qu’elle correspondait le mieux au tempo, aux intensités et à l’ambiance qui ont été ceux des workshops qui se sont déroulés au P9 à Saint-Nazaire. C’est dans ce sens que l’intitulé exposition / workshop / festival a semblé plus adéquat pour qualifier cette exposition de trois semaines.
On peut se poser la question : cela est-il nouveau de faire une exposition qui ne se présente pas sous la forme d’un dépôt fixe et identique pendant plusieurs semaines, consacrant la contemplation et et dont tous les détails se préparent en amont et se pré-conçoivent en dehors des expériences qui y seront menées ?
Cela est-il nouveau de faire une exposition qui propose un flux continu et un processus articulé et collectif — qui donnent la part belle à l’imprévisibilité, à la spontanéité, à la modification continue, elles-mêmes combinées avec des gestes plus posés, lents et longs —, voire même à la performance d’exposition, dont néanmoins, et malgré son aspect les curseurs sont très bien mesurés et s’équilibrent presque spontanément ?
Sans doute pas, mais simplement ici, la question de l’impossibilité de faire de cette manière ne s’est même pas posée.
Cette façon de faire décidée unanimement par l’équipe a permis de développer et d’expérimenter une forme renouvelée de l’exposition collective et de l’encadrement curatorial (qui là a été mené collectivement et collégialement) en utilisant la durée et les temps d’exposition (pour chaque réalisation comme pour chaque séquence ou phase d’exposition) pour découvrir les nombreux potentiels d’associations visuelles et conceptuelles qui pouvaient être délivrés. En effet tout au long de l’exposition, ce sont des moteurs d’échos et de rappels (entre les pièces, entre les gestes, entre les images, entre les signes) qui ont généré cette ambiance singulière et cette énergie sensible. L’enjeu initial et complexe de la restitution d’une série de workshops menés hors-les-murs ou sans-murs en une exposition dans un espace réglé et codé (le white cube) a été en quelque sorte désamorcé par des jeux et un travail de traduction et non pas, ce qui aurait été attendu, de reconstitution et de juxtaposition de gestes et de productions solo, que ce soit d’actions passées ou d’extractions d’éléments d’un lieu-source à un lieu-cible (comment restituer dans un contexte une expérience menée dans un autre, a fortiori d’art contemporain ?).
En tant que spectateur comme en tant qu’accompagnateur (lors de toute la série des workshops WAou sur les trois années passées, de décembre 2019 à novembre 2022, et d’une partie de l’exposition sur ces deux mois de décembre et de janvier), j’ai été moi-même surpris et plutôt enchanté de trouver dans les premières mises en forme de cette exposition, une humeur, un air, une ambiance diffuse, dans lesquels les gestes peuvent être fluides, inter-indépendants, courts ou longs, rapides ou lents, minimes, éloquents et de dimension plus grande, voire même discrets et spontanés, des mises en forme et en espace qui curieusement ressemblaient comme deux gouttes d’eau à ce qui s’était passé et activé implicitement et explicitement durant les workshops au P9.
Le P9 n’était-il pas d’un coup diffus ou infusé dans cet autre espace ô combien et a priori opposé ou contradictoire (ou bien contradicteur) que semble l’être une galerie d’art contemporain ?
Malgré ce choc de deux mondes, ce saut m’a semblé plutôt réussi et très enthousiasmant, en laissant dire :
- que la création artistique était là productrice, même dans son refus de capitaliser, de rentabiliser, de rendre compte et de fermer une expérience — et cela a été fait ici selon des choix qu’on pourrait qualifier de dé-production, de dés-exposition, si l’on s’attache au ton espiègle et indocile du titre de cette exposition/workshop/festival, que d’autres ont sans doute vu comme un descellement et un secouement régressifs, ou encore un n’importe quoi rageur et entriste [voir note 1] —,
- et, en contrepartie, qu’elle était rassembleuse et plutôt inclusive, dans les faits de proposer d’autres expériences (d’œuvres, d’exposition, de spectateur-trice, de participant.e.s, de moments et de situations, de combinaisons de formes, etc.) par de légers et subtils échos et réverbérations entre les contextes (le P9, la galerie, les distances entre les deux, les répliques entre eux, etc.), échos et réverbérations que portent, activent et filtrent les personnes, artistes et spectateur.trice.s.
Ainsi les formes ont été multiples et variées, et tout à fait combinables : on a pu voir, suivre et passer d’un set dj ou d’impro de musique électronique, à un moment de cuisine et de repas offert et collectif (à partir des invendus récupérés le matin même au marché), à une installation associant amas de terre et immenses vidéo-projections (infernales à régler et à ajuster dans de telles dimensions), à une sculpture sur socle ou sur un support, à l’installation d’un dispositif de trampoline en plein milieu de l’espace d’exposition, à des pluies de post-its collés sur des pans de murs ou au plafond, écrits au fur et à mesure, ajoutés à la volée, à un coin radio diffusant de la musique, des paroles microphonées et amplifiées dans tout l’espace, karaokant même parfois, à des écrans et des moniteurs diffusant des séries de vidéobandes, de vidéo-performances, à des textes écrits directement au mur ou imprimés puis collés en lignes ou en colonnes (il n’y a pas eu de cartels ou de feuilles de salle, ce qui était nécessaire était écrit à la main, que ce soit sur la porte, sur les murs ou à l’extérieur), à des peintures elles-aussi faites directement au mur, à des jeux d’ombre à partir de lampes-torches s’amusant des échelles et des proportions, à une vidéo-projection d’un plafond (du parking au Moulin du Pé) au plafond (de la galerie), à des éléments glanés, trouvés ou redécouverts, puis déposés subrepticement dans un coin ou en plein milieu de l’espace, à des messages anagrammiques et cryptés, très énigmatiques, graffités, à de la soupe (de couleur orange) déposée dans un trou de terre sur le sol de la galerie, à une tranche de pancake collée au mur, à des figurines de gorille et d’antilope de Kinder Surprise devenant des personnages incrustés dans l’exposition, à des moments collectifs proposés pour, par exemple, réaliser en pâte à sel toute une batterie d’objets que ce soit pour la cuisine ou autre chose, ou pour danser ensemble dans l’espace au milieu des réalisations et des mises en espace, à des propositions amenées par les artistes-enseignant.e.s, un film de trois heures, des chansons folk à diffuser, des épisodes de récits à lire, etc. etc. On serait à deux doigts de parler d’un “art étendu” s’exposant au plein air et rentrant dans un tel espace par les fenêtres. Non, la galerie de La Box n’a pas été occupée ou squattée, elle a été activée.
De même cela a été un lieu et un moment d’invitations : que ce soit, lors de la deuxième semaine,
- pour projeter un film réalisé lors d’un workshop simultané par d’autres étudiant.e.s et une cinéaste (Émilie Aussel) (qui par ailleurs a utilisé en décor des peintures élaborées dans un autre workshop avec le duo de peintres We Are the Painters, et une cave pour tourner des scènes de danse en transe sur une musique techno jouée live — pour info, à propos des caves, ce n’était pas à la FLB mais à la Baie Noire) ;
- pour accueillir des réalisations en céramique d’un autre workshop avec l’artiste Morgan Courtois et Stéphanie Jamet professeure à l’Ensa, workshop qui s’est déroulé dans une salle à deux pas de La Box ;
- pour susciter un moment d’échanges avec une invitée que les étudiant.e.s voulaient rencontrer pour comprendre comment on peut se déplacer dans les espaces artistiques. Ainsi avant l’ouverture/vernissage, durant l’après-midi, l’équipe WAou a rencontré Mathilde Fernandez (Ascendant Vierge) qui a assuré un moment de lecture/performance à partir de textes qu’elle utilise dans son travail de chansons et de performances. Les échanges se sont concentrés sur les questions de limites que l’on se donne dans le travail et a permis à Mathilde de présenter son parcours d’école d’art vers le monde de la scène musicale tout en gardant des potentiels d’expérimentation et de performance.
Bref, il est bien possible que cette exposition ait été une exposition et, à la fois, un festival et un workshop, et il est bien possible que le catalogue d’une pareille exposition se découvre sous la forme d’une compilation de fanzines réalisés par l’équipe et récapitulant par images les principaux moments et situations vécus.
(Jérôme Joy, 20-21 février 2023)
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Une partie de la WAou team écrit WAOU en ombres.
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[note 1]
Comme rappelé dans le communiqué de presse, le titre Bisou WAou semble entrer dans une catégorie des expressions d’un registre “à la volée”, “du quotidien”, tout en semblant marquer en apparence peu de sérieux, néanmoins, et nous l’avons découvert après coup, à l’instar d’autres expositions actuelles rappelées ci-dessous (Barbe à Papa, Pas Sommeil, Pas Touche), ce ton un peu ravageur paraît offrir d’autres portes d’entrée à ce que peut devenir et pourrait offrir une exposition d’art contemporain. On pourra noter en complément que, par ailleurs, la prochaine exposition du Musée d’Arts de Nantes s’intitulera Hyper Sensible (printemps 2023), rattrapant ainsi le module d’enseignement que j’ai ouvert il y a deux ans à l’Ensa Bourges, en parallèle d'Arts & Contextes [ce dernier permettant les WAou] : Art & Hypersensibilité — qui a permis pour sa part de mener des workshops avec l’artiste québécois Éric Letourneau (Manœuvres d’Elektrorama, mars 2022), avec l’artiste américain Rhys Chatham (G3, mai 2022), et récemment avec la cinéaste Émilie Aussel (Transe et Sentiments, février 2023) comme cela avait été commencé préalablement en avril 2019 avec The Residents (God in Three Persons), c’est-à-dire une façon qu’à l’art de se comporter et de faire percevoir dans des modes renouvelés d’émotion, d’inter-indépendance, d’improvisation, de surprises, de récits et d’émancipation —.
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— https://www.capc-bordeaux.fr/sites/capc-bordeaux.fr/files/20221027_barbe-a-papa_com_dp-fr_num_0.pdf
— https://www.fracbretagne.fr/wp-content/uploads/2022/07/FracBretagne_Guide_Visiter_Passommeil_Web.pdf
— https://www.frac-poitou-charentes.org/telechargements/DA_PasTouche.pdf
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Menu Bisou WAou, l’exposition / workshop / festival des WAou à La Box, galerie d’art contemporain de l’Ensa Bourges, du 2023-01-24 au 2023-02-11 :
- 2023-01-20 / 2023-01-23 - Workshop WAou#11 - préparation de l’exposition Bisou WAou
- 2023-01-20 / 2023-01-23 - Workshop WAou#11 - une introduction à l’exposition Bisou WAou
- 2023-01-20 / 2023-01-23 - Workshop WAou#11 - le montage de l’exposition Bisou WAou
- Workshop WAou#11 - Exposition Bisou WAou - Sem.1 - T.V. Terrain Vague
- Workshop WAou#11 - Exposition Bisou WAou - inter-expo de la Sem.1 vers la Sem.2
- Workshop WAou#11 - Exposition Bisou WAou - Sem.2 - Ça touche Ça touche pas - Événements/Workshops
- Workshop WAou#11 - Exposition Bisou WAou - Sem.2 - Moment de transe avec Émilie Aussel
- Workshop WAou#11 - Exposition Bisou WAou - Sem.3 - Volcanic Fish
- Workshop WAou#11 - Exposition Bisou WAou - Sem.3 - Finissage
- Workshop WAou#11 - Les fanzines Bisou WAou à télécharger
- Workshop WAou#11 - Entretien avec Bisou WAou dans la revue Bourgeons à télécharger
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