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2023-01-23 - prolégomènes II au ouesterne : frank zappa spinola
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Études pébipologiques.
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Alors ok, là, dans ce chapitre, Vitara et John Rohmnyz font un saut, assez troublant sans doute, en passant d’un coup d’un seul de Franz Kafka à Frank Zappa : et là, ce n’est pas aussi évident que cela, à moins d’avoir un petit défaut d’élocution pour prononcer un des deux noms à la place de l’autre, et vice-versa, et pourtant cela semble se tenir.
Car Frank Zappa a bien, lui aussi, touché au western…
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Un menu :
- Mais pourquoi un ouesterne / western ?
- Ouesterne-poème ?
- Un ouesterne est un western différent
- Zappa en cow-boy
- Le genre western chez Zappa (1)
- Le genre western chez Zappa (2)
- Le monde freak et queer de Zappa
- Album zappaesque
- Zappa en Spinoza
- D’autres queers par la photographie
- Zappa et les sciences
- Bref, Spinoza Spinola
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Mais pourquoi un ouesterne / western ?
Alors oui également, si l’on suit bien Vitara & John Rohmnyz, le duo initiateur du ouesterne spinoza, l’intention n’est pas de magnifier le genre “western” mais de déconstruire la majorité de ses codes (masculinité dominante et mysoginie, compétition, destruction, exploitation, conquête, revanche, cupidité, spoliation, racisme, binarisation et opposition constantes (Est/Ouest, cow-boys/Indiens, bien/mal, fort/faible, sauvagerie/civilisation, nature/culture), etc. etc. [voir ici] et également là, André Bazin en parle), et ce pour mieux analyser comment dans ce type de cinéma les corps ne domineraient jamais ce qui les entoure, malgré leurs manières exaspérantes de se débattre, et a contrario ces corps seraient tout le temps et bien plutôt en immersion et en contemplation dans des environnements toujours plus grands et plus immenses qu’eux, des corps embarqués et ballotés par eux, ces alentours, ces environnements — (et ceci quels que soient les mouvements de caméras ou les astuces techniques filmiques utilisées par les autres personnes, corps et regards, qui les filment afin de tenter de les grandir et de leur donner une stature : zooms, contre-plongées, effets bullet time, face caméra, gros plans, effets spéciaux, etc.)…
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Ouesterne-poème ?
Simultanément on trouve dans ces comportements et ces postures prises par ces héros et héroïnes — et cela, au sein de ce domaine, celui du cinéma et cela dans des aspects d’autant plus exacerbés par l’écran, par les époques, par l’industrie, etc. — tous les comportements et toutes les postures que l’on peut trouver également, et sans doute de façon toujours de plus en plus présente et de plus en plus pesante tant les codes et les systèmes dominants sont influents et injonctifs, dans notre monde quotidien, et qu’ici, via les recherches menées avec La Pébipologie, on essaie de contourner…
Bref, disons que Vitara & John tentent un contournement via un détournement… jusqu’à ce que le western devienne un genre de film-poème…
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Un ouesterne est un western différent
Dans ce sens, l’intention n’est pas loin de rejoindre ce qui a pu être désigné comme un type de western hypnotique et contemplatif, notamment au travers des films de Kelly Reichardt, dont par exemple La dernière piste (Meek’s Cutoff) (2010), et First Cow (2019)… et également ce que l’on peut nommer un western spéculatif, comme l’on peut le voir dans la série Westworld (2016-2022) (Saison 1, Saison 2, Saison 3, Saison 4, autre présentation de la Saison 4). Par ailleurs on tentera de faire croiser tout cela avec le seul film tourné par Marlon Brando et qui est un film de western, “One-Eyed Jacks” (La Vengeance à deux visages) (1961) (ici en VF), et qui a été qualifié d’extrêmement personnel, sombre, contemplatif, avare en scènes d’action mais habité par une grande tension psychologique.
Marlon Brando spinoziste ?
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Pour l’inversion de la perspective, on pourra aussi se référer à l’histoire du cinéma, dont notamment un des premiers films western tourné par John Ford en 1924 : The Iron Horse (Le Cheval de Fer) dont vous pouvez lire ici une étude.
En creusant un peu plus, nous trouverons les premiers films initiant le genre western : “Kidnapping by Indians” tourné en Angleterre en 1899, et “The Great Train Robbery” réalisé aux États-Unis par Edwin Stanton Porter en 1903.
Alors, revenons-en au fait, puisqu’en effet Frank Zappa s’est aussi essayé au western… du « western spaghetti » ?
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Zappa en cow-boy
ça commence par un chapeau porté, en 1980 (tardivement), et un cactus et une antique pompe à essence, le tout photographié par Alex Waterhouse-Hayward.
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Le genre western chez Zappa (1)
Et puis ce film western, eh bien il s’agit de : "Run Home, Slow", un film à petit budget, (mis en production fin 1959 et finalisé en 1963), sorti en 1965, tourné par Ted Brenner et scénarisé par un ami de Zappa, Don Cerveris, à partir d’un synopsis assez dévastateur et dont il faut sans doute vite oublier la teneur, l’intérêt résidant certainement dans la musique que Zappa a élaborée :
Synopsis : — Un mois après le lynchage du patriarche d’une famille détestée dans une région sans loi de l’Ouest, ses héritiers, sous l’impulsion de la fille de la victime, dévalisent une banque, tuant 2 employés. Puis ils fuient dans le désert, avec l’espoir de gagner le Mexique. En chemin, ils exécutent une famille dont le chef était un des meneurs lors de l’exécution du père. Ayant échappés à la milice qui les poursuit, ils font étape dans une cabane, l’un des frères ayant été gravement blessé dans la bagarre…
“Run Home Slow” est un western où se croisent une famille qui pille une banque, une héroïne nymphomane et divers personnages qui connaîtront une fin tragique après une fuite dans le désert. Un piano façon saloon, des mouvements musicaux évocateurs du galop des chevaux signalent qu’on est dans un western. Les scènes nocturnes ou de dérive dans le désert sont accompagnées d’une musique « inquiétante » (vibraphone, flûtes, tempo lent). Une première version de Duke of Prunes, un des thèmes du film figure dans l’album Absolutely Free sorti en 1967 [voir plus bas].
Sources : https://forum.westernmovies.fr/viewtopic.php?t=19544 ; https://dangerousminds.net/comments/run_home_slow_the_obscure_and_weird_low_budget_western_scored_by_frank_zapp ; et lire l’article de Sylvain Siclier, “Zappa et le cinéma”, Volume !, 3 : 0, 2004, 123-132.
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Pour visionner le film et surtout écouter la musique du film :
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Pour écouter le thème principal de la musique du film, “Duke of Prunes” :
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Le genre western chez Zappa (2)
Zappa reviendra épisodiquement au genre western avec un petit extrait que l’on trouve dans son film “200 Motels” (1971) avec la chanson “Lonesome Cowboy Burt” :
Une chanson zappaesque aux paroles exécrables dans le style parodique et caricaturesque de Zappa. Frank Zappa a sans doute inventé un équivalent musical de la caricature. Il y a bien entendu et certainement à ne pas tout prendre au premier degré (mais tout de même)…
Si vous désirez consulter une courte étude du film “200 Motels”, ce sera par ici.
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Le monde freak et queer de Zappa
Alors Vitara & John Rohmnyz ne peuvent s’empêcher de relever les indices parodiques dans d’autres œuvres de Frank Zappa, car connaît-on Suzy Creamcheese, Cletus Awreetus-Awrightus, Ruben Sano, Obdewlla’X, Rondo Hatton, Francesco Zappa, etc. (source)… puisque Frank Zappa s’est entouré de nombreux acolytes fictifs.
Doté d’une imagination sans borne, Frank Zappa dans sa musique et surtout les paroles de ses morceaux évoque un monde aux allures incontestablement dadaïste, rempli d’objets et de personnages étranges.
Mais derrière les titres et objets absurdes se trouvent évidemment de nombreux sous-entendus et de fins commentaires sur la société… (comme par exemple avec son album Franck Zappa Meets the Mothers of Prevention de 1985, attaque contre la censure et la croisade des “Parental Advisory") :
(AVERTISSEMENT/GARANTIE : Cet album contient du matériel qu’une société véritablement libre ne craindrait ni ne supprimerait. Dans certaines régions socialement retardées, les fanatiques religieux et les organisations politiques ultra-conservatrices violent vos droits du premier amendement en tentant de censurer les albums de rock & roll. Nous estimons que cela est anticonstitutionnel et anti-américain. Comme alternative à ces programmes soutenus par le gouvernement (conçus pour vous garder docile et ignorant). Barking Pumpkin est heureux de fournir un divertissement audio numérique stimulant à ceux d’entre vous qui ont dépassé l’ordinaire. Le langage et les concepts contenus dans ce document sont GARANTIS DE NE PAS PROVOQUER DE TOURMENT ÉTERNEL À L’ENDROIT OÙ LE GARS AUX CORNES ET AU BÂTON POINTU CONDUIT SES AFFAIRES. Cette garantie est aussi réelle que les menaces des fondamentalistes de la vidéo qui utilisent des attaques contre la musique rock dans leur tentative de transformer l’Amérique en une nation de crétins qui envoient des chèques (au nom de Jésus-Christ). S’il y a un enfer, ce sont ses feux qui les attendent, pas nous.)
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Album zappaesque
Ci-dessus la pochette finale de l’album “We’re only in it for the money” (sorti commercialement en 1968) - à écouter là - pour l’histoire de la réalisation de la pochette c’est par ici et par là, au sujet de l’album — celle-ci élaborée et photographiée par Cal Schenkel et Jerry Schatzberg en juin 1967 est bien entendu une parodie de la pochette réalisée par Robert Fraser, Jann Haworth et Peter Blake pour le “Sgt. Pepper’s Lonely Hearts Club Band” (la « fanfare du club des cœurs esseulés du sergent Pepper ») des Beatles sorti le 1er juin 67.
L’esprit de Sgt Pepper dans différents albums ; à droite le “Their Satanic Majesties Request” des Rolling Stones sortie en décembre 1967.
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Ne serait-ce pas ici finalement Zappa en Spinoza ?
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Zappa en Spinoza
Rembrandt, “Halffiguur van een man met baard en hoed” (Half figure of a bearded man wearing a hat), portrait supposé d’un étudiant juif à Amsterdam, présumément Spinoza.
Auquel répond Zappa… …sur la photo du milieu : avec le même manteau et le même chapeau, et pas tout à fait la même barbe… (à gauche : Zappa à Barcelone en 1975 ; au milieu : Franck Zappa, Kensington Gardens, London, 1979, par Richard Young ; à droite : Frank Zappa, horse guards parade, London, 1967).
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à gauche : en couverture du Melody Maker le 26 août 1967 (source) ; à droite : Franck Zappa en Francesco Zappa (1717-1803), posant dans un costume du XVIIIe siècle, 1984.
En novembre 1984 parait l’album “Francesco Zappa”. Enregistré entièrement au Synclavier (un clavier synthétiseur), l’album rassemble la musique de chambre de Francesco Zappa, compositeur italien méconnu du XVIIIe siècle. Zappa aurait découvert ce dernier dans les bibliothèques de Berkeley et du Congrès, et entretiendrait même avec lui des liens familiaux… Supercherie ? Francesco Zappa (1717-1803) a bel et bien existé mais tombe vite dans l’oubli après sa mort. Réel, oui. Mais de la même famille que Frank ? Hélas, non. (source)
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D’autres queers par la photographie
Ce même photographe, Jerry Schatzberg, qui réalisa en 1967 à NYC les photos ci-dessus (pour la pochette “We’re only in it for the money”), ira jusqu’à photographier aussi les Rolling Stones dans des accoutrements de veuves de guerre :
Jerry Schatzberg, “Stones in Drag”, NY 1966.
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Zappa et les sciences
Zappa ira même jusqu’à influencer les sciences.
Mais pourquoi les scientifiques pensent-ils à Zappa au moment de nommer leurs découvertes ?
Pour certain.e.s, le comportement particulier d’une bactérie évoque l’imprévisibilité du musicien. Pour d’autres, la tâche noire sur une araignée ressemble beaucoup à sa moustache iconique. Pour d’autres encore, le nom Zappa possède une résonance scientifique. Comme nous allons le voir ci-dessous.
Car s’il n’a jamais pu contribuer au monde de la science de sa propre main, son nom Zappa se trouve néanmoins parsemé dans
- les domaines de la biologie : la bactérie P. Zappae, précisément appelée “Propionibacterium acnes type zappae” découverte par deux biologistes italiens : « Cette bactérie a un comportement tellement inhabituel et son habitat est si inattendu qu’elle nous a fait penser à Frank Zappa, qu’on écoutait tous les deux dans notre voiture pendant les recherches. ») (info 2),
- la science marine (le poisson Zappa confluentus (« Ce poisson est clairement à part des autres espèces. Il était donc nécessaire de lui trouver un nom approprié. Sur les raisons qui m’ont poussé à l’appeler Zappa, je peux vous dire trois choses : 1/ J’aime sa musique. 2/ J’aime ses valeurs et ses convictions politiques. 3/ C’est un bon nom pour la nomenclature scientifique. ») et la méduse Phialella Zappai) découverte de son côté par un biologiste italien et qu’il a appelé ainsi dans l’espoir de rencontrer le musicien (après leur entrevue, on dit que Zappa a déclaré ceci : « Il n’y a rien au monde qui ne me rende plus heureux que de savoir qu’une méduse porte mon nom. »),
- l’arachnologie (Pachygnatha Zappa, découverte par les biologistes belges Bosmans & Bosselaers en 1994 et localisée au Cameroun, au Kenya, au Malawi, et en Afrique du Sud, et dont les deux biologistes avaient remarqué que les femelles de cette espèce avaient une tache noire sur l’abdomen, qui ressemble à la moustache de Zappa),
- et même l’astronomie (l’astéroïde 3834 Zappafrank, découvert par un Slovaque dans les années 80, mais qui ne porte le patronyme du chanteur que depuis 1994) ! En 1994 donc, 14 ans après sa découverte, une pétition internationale lancée sur l’internet (première pétition numérique au monde) est envoyée à l’Union Astronomique Internationale : le 22 juillet 1994, l’astéroïde 3834 est baptisé Zappafrank (source). L’astéroïde apparaît d’ailleurs dans une carte fictive sur la cover de l’album “One Size Fits” All en 1995.
Voici donc différents portraits de Zappa :
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Donc, dans ce cas, il n’est pas du tout étonnant que Vitara & John Rohmnyz développe de leur côté un ouesterne Spinoza.
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Bref, Spinoza Spinola
Mais bon, trêve de documentation et d’érudition, revenons à Spinoza / Spinola, car en effet nos écarts de prononciation auront été repris, malicieusement et espièglement, en dessin, puisque de chapeau(x) nous parlons, et que leur forme (dessinant toujours une montagne ou une butte) fascine le duo d’artistes :
Et, effectivement, Spinola l’est tombé bar terre, parmi toutes les buttes du terrain du P à force de les monter et de les descendre pour élaborer son télescope.
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- Sommaire de Pébipologie et ouesterne :
- Le début de ouestern spinoza (et les 9 pages suivantes)
- partie de récit 1
- partie de récit 2
- Utile randonnée ? partie 1
- Utile randonnée ? partie 2
- Les conditions du ouesterne
- Hombre no ! Hombre que si !, partie 1
- Hombre no ! Hombre que si !, partie 2
- Pébipologie et ouesterne, la récap
- Dans la sierra
- Impression du ouesterne spinoza
- prolégomènes 1 au ouesterne : Franz Kafka Spinoza
- prolégomènes 1bis au ouesterne : Franz Kafka Spinoza
- prolégomènes 2 au ouesterne : Frank Zappa Spinola
- prolégomènes 3a au ouesterne : zapper Kafka à Kaffa
- prolégomènes 3b au ouesterne : zapper Kafka à Kaffa (marcel)
- prolégomènes 3c au ouesterne : zapper Kafka à Kaffa (longtemps marcel 1)
- prolégomènes 3d au ouesterne : zapper Kafka à Kaffa (longtemps marcel 2)
- prolégomènes 3e au ouesterne : zapper Kafka à Kaffa (horace)
- prolégomènes 3f au ouesterne : zapper Kafka à Kaffa (roman-photo)
- prolégomènes 3g au ouesterne : zapper Kafka à Kaffa (commentaires)
- pébipologie
- éditions
- ouestern
- spinoza
- zappa
- vidéo
- rolling stones
- spinola
- musiques
- schatzberg
- rembrandt
- bazin
- reichardt
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- western
- westworld
- ford
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- brenner
- queer
- freak
- kafka
- la chapologie