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2022-10-17 - un aperçu du film ZON
La carte de la zone de ZON autour de Rimbaud.
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Sous le ciel de ZON.
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L’antenne de ZON. Située rue de Stalingrad, à l’angle avec la rue des Celtes, à Saint-Nazaire.
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Le ciel de ZON s’enflamme.
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Extrait du Grand Catalogue de La Pébipologie (Tome 03 de La Pébipologie).
Jean-Claude Stervadze est un filmeur. Son dernier tournage s’appelle ZON ; venant de noz qui signifie noix ou pomme d’Adam en galicien, et qu’il écrit à l’envers, question de cryptage (il y tient). C’est un film aux couleurs mythologiques sans décors ni costumes, ce qui donne à l’écran l’impression de voir des personnages touristes divaguer et se balader au milieu d’étendues no man’s land plutôt que des acteurs jouer leurs scènes. Les buttes, les dénivelées et les plats gravillonneux beiges parsemés d’herbes courtes du site du Moulin du Pé ont donné d’emblée les décors et le ton du film : à la fois épopée dont on appréhende la gravité et fresque à partir de bouts de ficelle. C’est un tour de force auquel nous assistons. À partir des blocs de pierre glanés sur le terrain, il a imaginé les colonnes que l’on aperçoit dans certaines scènes, et en jouant avec les expositions solaires la lumière est devenue plus méditerranéenne à l’image du style du bâtiment 89. De même certains détails ne trompent pas : adepte des astuces bricolo et lancé dans un film sans production ni budget, il joue des illusions que le filmage et le montage permettent donnant ainsi une atmosphère magique au ton du film : un certain bucolisme mâtiné de surréalisme, voire de psychédélisme non affirmé et d’un pessimisme sous-jacent qui apporte un léger goût de noirceur aux images surexposées. Les habitants du quartier deviennent les acteurs d’un jour ou deux, le réalisateur ayant remarqué que les dimanches les familles profitent pour se promener sur la grande esplanade en divaguant entre les collines artificielles et les constructions laissées en l’état. Mais là lors du tournage c’est différent, les habitants l’interrogent : « cela va prendre du temps ? » ; il n’a jamais su quoi répondre à cette question. Donc on imagine un film nonchalant, sans actions déterminées, au scénario proposé à l’emporte-pièce, sans textes à jouer. Seules les positions et les interactions des corps dans le cadre de la caméra et dans l’espace du site à l’aide des échelles et des distances font office de lignes directrices. Jean-Claude Stervadze parle d’un film-performance dénotant le rôle qu’il tient : travaillant à la volée, allant à la pêche plutôt que fourrageant les réglages et posant les plans. Si une histoire, celle de l’intrigante pomme d’Adam, émane de tels imbroglios, ce sera une chance inouïe (l’histoire étant qu’un bout de pomme serait resté coincé dans la gorge du dénommé Adam, et qu’il faudra bien un jour démêler une pareille histoire). Jean-Claude Stervadze filme donc les proéminences des reliefs du terre-plein selon de longs panoramiques et travellings qui tentent de révéler le sens politique profond de l’action cinématographique in situ : que le cinéma n’est que de l’obscur et de la lumière au gré de la météorologie et des saisons, et que nous y sommes perdu.e.s et égaré.e.s ; entre « la noche, la luz », parmi toutes les lucioles pasoliniennes, le P, Puits Profond de nos illuminations. — TFJ & PJ.
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L’un des personnages du film (d’après Léon-Jean Gérôme, Tête de femme coiffée de cornes de belier dite la Bacchante, tondo, 1853).
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Quelques Études
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Une scène (d’après photographies de graffitis prises à Soulac début 2023).
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Trois études de ciel, à peindre (d’après photographies de ciels prises à Bordeaux début 2023).
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Études de soleil (d’après photographies prises à Nantes début 2023).
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Un panorama visionné du P (planche trouvée dans le livre de Robert Tocquet, “Les Pouvoirs secrets de l’Homme”, 1963, p.194 : vision apparue et imaginaire par Mr. Frederic L Thompson en 1907, et dessin par le peintre Robert Swain Gifford ; https://psi-encyclopedia.spr.ac.uk/articles/thompson-gifford-case ).
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Le rideau de scène pour entrer dans le film ZON (d’après l’artiste argentine Ángela Ferrari, Un Paisaje, Cortinas Sin Patrón, 2020).
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Quelques personnages du film (d’après des œuvres de l’artiste coréenne Ram Han).
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Deux vues du P dans le film ZON (d’après des œuvres de l’artiste coréenne Ram Han).
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ZON et la peinture classique
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Le peintre Jean-Léon Gérôme (Vesoul 1824 - Paris 1904) a inspiré le réalisateur Ridley Scott pour la réalisation de son film “Gladiator” en 2000. Dans les interviews qu’il a données aux médias, Ridley Scott déclarait lui-même ne pas avoir cherché à faire un film historique mais plutôt à rendre hommage à l’école des peintres dits «pompiers» du XIXe siècle.
Cette remarque vise plutôt à dégager de l’œuvre de Gérôme les signes d’une véritable « préfiguration » du cinéma, organisée en fonction de deux grands axes distincts : d’une part, en rendant compte de l’influence manifeste de la peinture d’histoire sur l’iconographie des films de fiction à grand spectacle ; d’autre part, en identifiant des procédés visuels plus généraux, susceptibles d’être reliés à des effets spécifiquement cinématographiques.
Ainsi estime-t-on que, « d’Enrico Guazzoni (1913) à Mervyn Le Roy (1951) ou aujourd’hui Ridley Scott, les metteurs en scène se sont nourris de l’histoire mise en spectacle par Gérôme. » La convocation conjuguée de ces trois cinéastes, dans un souci probable de démocratisation culturelle, vise à donner le sentiment d’un impact considérable du peintre sur l’ensemble de l’histoire du cinéma. C’est pourtant un seul genre, le péplum, qui est exclusivement visé. « Les metteurs en scène furent, dès le tout début du XXe siècle, sensibles à l’efficacité de la mise en scène du peintre, à sa capacité de faire tenir en un seul “plan” l’ensemble d’une composition narrative ».
Et pourtant Jean-Léon Gérôme apparaît comme l’anti-Monet. Voici le commentaire d’un journaliste du quotidien Le Figaro en 2010 : “Les murs vert notaire, bleu Iznik ou rouge pompéien donnent le ton : irrésistiblement kitsch. Devant les toiles, les rires jaillissent aussi nombreux que les figurants peuplant ces très grands spectacles. Voici de fausses esclaves nues qui jouent les saintes-nitouches sous le regard de bachi-bouzouks ou d’héliastes égrillards. Voici des prostituées grecques qui se tordent comme des odalisques ingresques, déportées dans un lupanar de Pompéi. Autre ménagerie incongrue : un tigre s’étale dans l’Alhambra et quantité de fauves en peluche bouffent du chrétien dans les arènes. Bonaparte en Égypte joue les touristes à dos de chameau ou songe évidemment à Œdipe quand il découvre le Sphinx. On peut s’amuser sans fin à compter ces citations, amalgames et invraisemblances : malgré ces hilarants collages, Gérôme n’annonce pas le surréalisme. C’est un peintre résolument réactionnaire. Quand même ses pairs le trouvent too much, il se lâche. Peint dans une enseigne pour opticien un fox-terrier à monocle qui repose sur le jeu de mot facile «o pti chien». Ou multiplie les cages à oiseaux dans ses compositions histoire de faire causer les muets. Mais ce n’est pas du dadaïsme, ni même du zutisme. Durant toute sa carrière Gérôme a tenté de revivifier la peinture d’histoire. Son truc : n’en considérer que l’anecdote choc. On mesure combien il s’est fourvoyé. « Le grand genre meurt avec lui, c’est le dernier des raconteurs en peinture », estime Laurence des Cars, commissaire avec Dominique de Font-Réaux et Édouard Papet. L’exposition a déjà été présentée à Los Angeles où l’artiste plaît depuis toujours en dépit de son ridicule. Des collectionneurs, tels Sean Connery ou Jack Nicholson, ont le sens de l’humour. Surtout, ils apprécient son côté hollywoodien.” (Source : https://www.lefigaro.fr/culture/2010/10/21/03004-20101021ARTFIG00619-jean-leon-gerome-l-anti-monet.php )
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- Plusieurs peintures qui ont inspiré les vues du P dans le film ZON :
Léon-Jean Gérôme, Oedipe, Bonaparte devant le Sphinx, huile sur toile, 1867-1886. Très attaché à cette toile, Gérôme l’expose pour la première fois au Salon de 1886 sous le titre Œdipe. L’artiste renvoie alors à la mythologie classique en établissant un parallèle entre le libérateur thébain et le héros sauveur de la France. Frappés par les similitudes de forme entre tête du sphinx et légendaire chapeau du futur empereur, les caricaturistes s’emparèrent de la composition. L’une de ces satires y discerna une mise en abîme du sujet qu’elle sous-titra avec comique, Stupéfaction du général Bonaparte rencontrant au milieu du désert une statue colossale de Napoléon Ier ! (Source : https://www.napoleon.org/histoire-des-2-empires/tableaux/oedipe/).
Léon-Jean Gérôme, Caravane passant près des colosses de Memnon, huile sur toile, Thèbes, 1856.
Léon-Jean Gérôme, Le cavalier et sa monture dans le désert, huile sur toile, 1872.
Léon-Jean Gérôme, Dans le désert, huile sur toile, avant 1867.
Léon-Jean Gérôme, Les Deux majestés, huile sur toile, avant 1867.
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Et pour la scène finale du film qui fait un lien avec les récits du Ouesterne Spinoza élaboré par deux artistes de La Pébipologie, Vitara & John Rohmnyz, histoire dans laquelle il est question de vérité et de puits (de buttes et de trous) en clin d’œil à un cow-boy esquissé par Cécile Colle :
Léon-Jean Gérôme, “La Vérité sortant du puits armée de son martinet pour châtier l’humanité”, huile sur toile, 1896. Le titre provient de la phrase de Démocrite : « en réalité, nous ne savons rien, car la vérité est au fond du puits ». La Vérité, fille de Saturne ou du Temps, est mère de la Justice et de la Vertu ; la Vérité est donc une divinité allégorique.
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références :
- http://arts-plastiques.ac-besancon.fr/wp-content/uploads/sites/95/2019/01/Int_Deshayes_Jean-Leon_Gerome_Desir_d_Orient_bat-copie-1.pdf
- https://www.revuedesdeuxmondes.fr/wp-content/uploads/2016/11/706dfd38e5d97f1c9490cc56fa9a71ca.pdf
- https://www.musee-orsay.fr/sites/default/files/2022-06/IR_Morot_G%C3%A9r%C3%B4me_2016.pdf
- https://ia802907.us.archive.org/5/items/grmelifeworksofj00heri/grmelifeworksofj00heri.pdf
- https://www.academia.edu/79210924/Jean_L%C3%A9on_G%C3%A9r%C3%B4me_un_peintre_d_histoire_pr%C3%A9sum%C3%A9_cin%C3%A9aste_
- http://www.schillerandbodo.com/uploads/36521/original/gerome-drawings-with-images.pdf
- https://www.lefigaro.fr/culture/2010/10/21/03004-20101021ARTFIG00619-jean-leon-gerome-l-anti-monet.php
- https://www.joslyn.org/Post/sections/375/Files/Gerome%20Teaching%20Poster.pdf
- https://www.gallery19c.com/usr/library/documents/main/gallery-19c-g-r-me-catalogue-under-5mb.pdf
- https://www.unicamp.br/chaa/rhaa/downloads/Revista%2016%20-%20artigo%204.pdf
- https://metalmagazine.eu/en/post/interview/ram-han
- https://www.vanityteen.com/ram-han-digitizes-childhood-nostalgia-and-other-empirical-fantasies/
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