ARTICLES
2022-03-29 - L'élément pébipologique n°20220329 - part.1
Mars 2022. Récupération de l’élément n°20220329 au classement pébipologique.
(article en cours de rédaction pour L’Atlas documentaire et iconographique de La Pébipologie, secteur Éditions du P9. Fiche n°20220329)
.
- Éléments lisibles : .MANY BUC.
- Éléments ignorés : un R partiel en début et un I ou H partiel également à la fin.
- Support : face A : carrelage de couleur bleu brillante (Pantone PMS 298C) ; face B : à demi cimenté.
- Supposition : élément partiel décelé d’un support plus grand, et brisé.
- Dimensions (maximales) : 6cm x 5,5cm.
- Trouvaille : par quelqu’un d’autre qui a remis l’objet dans les mains de TFJ & PJ.
- Lieu-source : ne peut provenir que du terrain lessivé du P.
- Coordonnées géographiques : (à déterminer)
Sous toutes ses faces. À partir de la face supérieure.
Outil pantonique.
La face cruciale, première photographie (dite “aux cerises”). On peut distinguer sur le dessus les résidus de ciment.
La face cruciale, deuxième photographie.
La face arrière et les résidus de ciment.
.
.
Partie 1
QUE VEUT BIEN DIRE “.MANY BUC.” ?
par Peter Junof
Nous dirons qu’il y a plusieurs interprétations possibles.
“Many” ne semble pas trop poser de problème si on s’arrête à sa première traduction : beaucoup de (note 1). En quittant la langue anglaise, on arrive à celle tchèque dans laquelle “Many” est l’accusatif pluriel [donc utilisé dans les propositions de complément d’objet direct (COD)] de “Man”, qui provient de l’allemand Mann (« homme ») et qui tchèquement signifie vassal. Par exemple, on interprétera de manière tchèque l’énigme .MANY BUC. par Buc est un vassal, et de manière anglaise par Beaucoup de Buc.
§ Beaucoup de :
À l’opposé de “Many”, “Buc” peut être beaucoup plus questionnant puisque peu d’occurrences apparaissent d’emblée. “Beaucoup de”, d’accord, mais “beaucoup de” quoi ? ou alors, dans un autre sens, celui tchèque, “Buc” est-il vraiment un vassal ? et le vassal de qui ? Une première occurrence qui vient au jour après quelques succinctes recherches est celle de “Buc Ban”.
Un buc ban est dans les maisons traditionnelles au Vietnam une porte extérieure ornée qui peut rester fermée l’hiver pour isoler du froid et ouverte l’été pour connecter l’intérieur de la maison avec l’extérieur. Beaucoup de ces portes sont conçues et tellement designée (ornée, ajourée, etc.) qu’en plus d’être portes elles peuvent servir tout autant de tables ou de lits. De même leur fonctionnalité peut être sophistiquée, car certaines d’entre elles intègrent des systèmes d’ajourement ou de persiennes permettant de moduler la luminosité à l’intérieur de la maison et de protéger de la pluie. Pour isoler de l’humidité lors des grandes touffeurs, elles font office de fenêtres, presque moucharabiehs, afin de ventiler les espaces au gré de l’habitant.e.
Si l’on en reste à cette occurrence, on traduirait donc à la façon anglaise la phrase énigmatique par : beaucoup de portes. Ou à la façon tchèque par vassales sont les portes.
Toutefois on corrigera pour gagner en précision, car en effet en langue vietnamienne bức est traduit par peinture (alors que bạn se traduit par ami, et bàn par table). bức bàn correspond ainsi à table peinte ou peinture sur table si l’on tente de traduire littéralement. En approfondissant on découvre que Cửa bức bàn signifie porte à plusieurs battants (en bois) (note 2).
Cửa bức bàn.
§ Many Buchen :
Creusons d’une autre manière. Pour nos lectrices et lecteurs familièr.e.s avec les vocabulaires anglophones et germanophones, nous proposons une autre piste d’interprétation.
L’effort de scripturation sur l’élément trouvé, d’autant plus que l’inscription loge sur la tranche de l’élément, a pu utiliser le mélange des langues afin de trouver sans doute une manière cryptée d’agir et de se faire comprendre. .MANY BUC. semble laisser lire quelque chose que l’on peut compléter de la sorte : Many Buc(her). La lettre suivante tronquée sur l’élément permet cette spéculation : on a pensé tout de suite y voir un “I” ou un “H”. L’énigme résolue de cette manière se traduit donc par : beaucoup de livres (many books entremêlé avec viele Bücher). Le umlaut (tréma) sur le u étant omis pour tronquer le sens.
Et en continuant la spéculation on pourra imaginer que le bleu de la face A de l’élément pébipologique répond au bleu du ciel, d’un ciel véritable, comme il en a été dans la reconstitution en couleurs du ciel du panneau peint à l’entrée du site du P.
Nous laisserons notre lectorat imaginer toute la teneur d’un tel message, et nous y reviendrons, néanmoins nous avancerons à propos qu’il s’agit probablement d’un commentaire émis à propos d’une bibliothèque ou d’une construction autrefois érigée à cet endroit (genius loci) dont la fonction était de recevoir et de stocker des ouvrages d’une importance sans doute remarquable. Ceci est renforcé, et nous le notons au passage, parce que Buchen sans le umlaut sur le u signifie aussi en allemand : réserve (Bücherbuchen est donc une réserve de livres). Comme le sens et les étymologies n’arrêtent pas de nous jouer des tours, remarquons un double sens : Buche est aussi le nom d’un arbre : le hêtre ; donc au pluriel, hêtres, c’est Buchen. Nous trouvons ainsi Many Buc(hen), c’est-à-dire beaucoup de hêtres. En s’amusant de l’homophonie, on trouvera que beaucoup d’êtres, cela peut être l’humanité.
§ Interprétation :
Interpréter c’est traduire. Écrire une partition c’est inscrire. Et l’arranger c’est transcrire et transposer. L’esprit, le mental et la pensée n’étant jamais défaits du faire et de l’expérience, et vice-versa, nous pourrons imaginer que les livres et les récits qu’ils contiennent étaient (et sont encore) des supports et des coquilles, des enveloppes même, de partitions d’actions à réaliser ou à enregistrer.
Nous verrons que toute notre histoire, qu’elle soit musicale, picturale, cinématographique, ou bien encore photographique, littéraire bien entendu, technique, botanique (les herbiers), horticole, potagère (on dira un temps planter des tableaux en suivant Poussin, Salvator Rosa et Le Lorrain, ainsi que l’architecte William Kent et l’esthète Horace Walpole (note 3), inventeur du ha-ha (note 4)), etc., bref, nous verrons que toute histoire n’est qu’une suite et qu’une chaîne d’enregistrements et d’associations de choses éphémères à réactiver, autographes ou allographes. La partition, notée, textuelle ou encore graphique, au sens musical du terme, en attestent.
§ Partie de liste :
Une autre interprétation, plus allusive, pourra être faite en considérant l’élément trouvé comme une partie d’un tout (un ostracon en quelque sorte tel que nous le verrons ci-dessous), et que ce tout est possiblement une to-do-list ou une liste de choses à faire ou de courses (une partition à jouer).
L’élément pébipologique trouvé sur le terrain du P ne serait alors qu’un fragment d’une liste incommensurable d’items constituant un listing : soit de choses à faire, de choses à penser ou de choses à enlever ; l’auteur ou l’autrice de l’inscription se promettant d’acquérir, de lire et de consulter beaucoup de livres ou beaucoup de hêtres, avec beaucoup de réserve pour réaliser et jouer une telle occupation et une pareille opération. Cette interprétation développée jusqu’ici n’a pas encore été validée.
§ Une traduction tardive :
Au début du XXIième siècle, plusieurs autres explorations herméneutiques ont avancé sur un tout autre terrain. Dans certaines études, MANY BUC est avancé comme une déformation vernaculaire de many bugs (traduit par beaucoup de bogues c’est-à-dire de nombreuses anomalies de fonctionnement). On pouvait donc inscrire sur certaines parties l’endroit exact de ces anomalies.
Une seconde étude, encore plus récente, s’est attachée aux inscriptions géographiques et a postulé que BUC pouvait être le nom d’un lieu ou d’une localité. Et, effectivement, la recherche a pu mettre à jour qu’il existe plusieurs Buc : l’un dans l’Aude, un second dans les Yvelines et un troisième dans le Territoire de Belfort (le premier périmètre de cette étude s’est pour l’instant principalement attaché à la géographie et à la toponymie françaises), même s’il va sans dire qu’il doit en exister encore de plus nombreux.
Conséquemment cette dernière étude en conclut qu’il y a beaucoup de Buc.
Les toponymies BUC.
.
Peter Junof
Notes de bas de page :
(note 1) — Many : Du vieil anglais maniġ, moniġ, du germanique *manago-, issu de l’indo-européen *monogʰo-. Il est apparenté au néerlandais menig, à l’allemand manch au russe много, mnogo ou au tchèque mnoho, au gaélique écossais minig. Ce mot dénote une supplétion car son étymologie est distincte de celles de more et de most.
(note 2) — https://m.lecourrier.vn/un-fragment-de-soir-hanoien/119920.html
(note 3) — Horace Walpole est le premier à penser la fortuité. En effet, le fait de découvrir quelque chose par accident et sagacité alors que l’on est à la recherche de quelque chose d’autre (« accident and sagacity while in pursuit of something else ») est appelé par Walpole serendipity, que l’on peut traduire par deux périphrases : découverte heureuse ou inattendue ou don de faire des trouvailles. (Wikipedia)
(note 4) — Horace Walpole est aussi le découvreur du Ha-Ha : L’« essai hasardé » que constitua l’abolition des enceintes [et donc l’invention des fossés : “on creuse un trou, on fait une butte” annonce La Pébipologie) « parut si étonnant qu’on l’exprima vulgairement par une exclamation ha ! ha ! pour marquer la surprise de trouver soudainement une brèche imprévue à la promenade » ou plutôt d’essuyer un échec soudain et imprévu (finding a sudden and unperceived check). Il écrira que : « et la surprise qui s’ensuit : le promeneur rencontre un obstacle inattendu et se trouve condamné à rebrousser chemin. Son exclamation « ha-ha » trahit autant la déception que l’admiration, puisque « la promenade des jambes », comme l’écrira Girardin, ne peut suivre « la promenade des yeux ». ». https://books.openedition.org/pur/56509?lang=fr .
(à suivre…)
partie 1 — (l’objet lui-même)
partie 2 — (l’ostracon)
partie 3 — (les Fluviana)
partie 4 — (les bois flottés)
partie 5 — (l’objet trouvé)
- pébipologie
- éditions
- histoire de l'art
- archéologie
- bota-pébiplogie
- poussin
- rosa
- le lorrain
- walpole
- les sculptures
- hyéroglyphe