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2022-02-03 - Cycle des cinémas au Bât.89 : soirée : Kötting #4
Jeudi 03 février, à 21h, cycle Andrew Kötting
Backwards in time – step 4
Forgotten The Queen - 2017, 10min 66s
Eden Kötting, She like a girl dreaming of childhood, dessin et collages
En introduction à cette soirée, un court métrage où les dessins et collages d’Eden Kötting inspirés par la vie d’Édith Swan Neck sont un endroit d’exploration pour son père Andrew et Glen Whiting à l’animation.
Edith Walks - 2016, 1h 66s
Avec David Aylward, Claudia Barton, Anonymous Bosch, Jem Finer, Andrew Kötting, Alan Moore et Iain Sinclair
Edith Walks est la troisième étape de notre remontée dans la filmographie d’Andrew Kötting. Si c’est le quatrième film projeté, c’est que nous avons improvisé une équipe de traducteurs et traductrices pour ce film qui n’avait pas de sous-titrage français. Cette épopée collective est arrivée à son terme.
Edith Walks appartient à ces films qu’Andrew Kötting nomme journeyworks, qu’on avait déjà croisé (The Whalebone Box, By Our Selves) et qu’on retrouvera à d’autres occasions dans son travail.
«Who you walk with alters what you see ; the view, the prospect…»
(“La personne avec qui vous marchez modifie ce que vous voyez ; la vue, la perspective…")
Edith Walks fait partie d’une recherche plus large puisque le projet initial de performance s’est déversé dans d’autres formes artistiques : installation, écriture, performance musicale et film (1). La performance fut conçue comme un “pèlerinage” à la mémoire d’Édith au Cou de Cygne, la femme du roi Harold (2). Une marche de 174kms depuis l’abbaye de Waltham en Essex (où la légende fait reposer la dépouille d’Harold), jusqu’à la statue d’Édith et Harold à St Leonards-on-Sea, dans le Sussex. Une déambulation ouverte, où l’imprédictible et l’ouverture d’esprit garantit la sérendipité. Rencontres et impromptus déroutent et tissent les chemins d’une carte tracée par l’imaginaire et le hasard.
«The angels of happenstance were looking down on us, with EDITH as their hallucination.»
(“Les anges du hasard et des coïncidences heureuses nous regardaient de haut, avec EDITH comme hallucination.")
Une marche de 1066 à nos jours, et l’inverse. Dans cette odyssée, l’équipée s’est entourée de ses viatiques artistiques : les outils adaptés aux dialogues spectraux (3).
«But you can’t dig into those things too deeply or else we really are sailing back to a world of memory.»
(“Mais vous ne pouvez pas creuser ces choses trop profondément, à moins de vraiment naviguer à rebours vers un monde de mémoire.")
60 minutes et 66 secondes à tâtonner dans la matière des passés. Un pas après l’autre, entourés de traces et de leurs mystères. En didascalie, « words fade away » (“les mots s’estompent”). Un mythe sans mot, juste des échos, leurs après, leurs avant, leurs distances. Visage méconnaissable – « face upon the ground » (“face contre terre”) – noms tombés dans l’oubli, apparitions fantomatiques en miroir, histoires qui se croisent sous les regards d’Hecate. Et Édith avec ses mains, sa bouche, reconnaît le corps, 950 ans après la disparition de son amour.
- notes de bas de page
- (1) Le portfolio retrace ces recherches dont découle le film.
- (2) Edith Swan Neck (« Édith au cou de cygne ») : au milieu du XIe siècle, la succession du trône d’Angleterre aiguise les appétits étrangers, et scandinaves et normands sortent les couverts. La bataille d’Hastings (1066) fait basculer le conflit : Guillaume, duc de Normandie, défait les troupes royales. Le dernier roi anglo-saxon, Harold II, y perd la vie, mais le doute plane, tant sa dépouille est méconnaissable. On demande à Édith sa concubine de l’authentifier.
On rencontre d’autres personnages de l’histoire britannique dans le film : Hereward The Wake (l’Exilé) fut un des chefs de la résistance anglaise face aux invasions normandes. Par la suite, il aurait néanmoins été contraint à se réfugier dans les Fens, une zone marécageuse dont il était originaire (voir à propos de cette région riche en histoires, le livre de Graham Swift, Le Pays des Eaux, 1983. Les sources sont très fragiles pour écrire sa biographie, voire affirmer son existence ; Tostig fut comte de Northumbrie et s’allia à Hardrata, roi de Norvège, contre son frère le roi Harold. Les deux furent défaits et tués lors de la bataille de Stamford Bridge par les troupes d’Harold ; Odo, évêque de Bayeux et frère de Guillaume le Conquérant, est une présence à la fois déterminante (pouvant détenir le récit) et ambivalente, présenté tantôt comme un clerc-guerrier, tantôt comme un homme pieux dévoué au secours des âmes. Il est, quoiqu’il en soit, largement récompensé à l’issue d’Hastings. Tous ces personnages sont représentés sur les tapisseries de Bayeux.
Détail de la tapisserie de Bayeux : la mort du roi Harold
- (3) L'hantologie est un néologisme conçu par Derrida. “Il consiste en des œuvres qui se construisent à partir d’une trace en provenance du passé. Le plus souvent matérielle, cette trace peut également s’avérer immatérielle. Composées ainsi à partir d’éléments issus d’une époque révolue, les œuvres hantologiques agissent comme des mediums qui vont permettre aux spectres du passé de s’exprimer.” (source : Wikipédia)
Pour rappel :
Cycle des cinémas :
Le cinéma d’Andrew Kötting : backwards in time
étape 4 (2022-01) : Edith Walks (2016-2017)
étape 3 (2021-08) : By Ourselves (2015)
étape 2 (2020-12) : Lek and the Dogs (2017) — annul. — réman. — occup.
étape 1 (2020-09) : The Whalebone Box (2019)
- notre chronologie inversée des projections :
- The Whalebone Box 2019 → Lek and the Dogs 2017 → Edith Walks 2016 → By Our Selves 2015