LE PROJET NEUF
2023-07-03/08-10 - prolégomènes III-L au ouesterne : zapper kafka à kaffa (commentaires : A.R., R, A.RAR, ADEN)
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Études pébipologiques.
Mais qui a bien pu aller à Kaffa ? et comment ?
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chronologie des prolégomènes :
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Le menu de ce chapitre :
- 24 ‒ introduction : A.R., Er, Harrar, Aden
- 25 ‒ Premier point : le chapeau-mélan-léman : le chapeau de Marcel
- 26 ‒ Deuxième point : la photo truquée : le chapeau d’Arthur
- 27 ‒ Troisième point : naviguer en eaux troubles : Chris Burden
- 28 ‒ Quatrième point : la problématique du cliché dans le ouesterne : Johnny Hawks et Briggs
- 29 ‒ Cinquième point : Er de Kafka
- 30 ‒ Sixième point : question : les prolégomènes
- 31 ‒ Septième point : les processus d’écriture
- 32 ‒ Huitième point : le carnet de Kafka
- (image frontispice : le chapeau Stetson de Tom Mix, chapeau emblématique et fétiche, dit chapeau de cow-boy et qu’il a l’air de porter tout le temps, ici combiné avec le fameux couvre-chef “deerstalker”, emblématique du détective Sherlock Holmes qui lui aussi ne semble jamais s’en séparer, ceci pour indiquer qu’à présent dans les prochains articles Spinoza Spinola mène l’enquête.)
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24
introduction
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Nos commentaires partent de points sensibles logés dans les précédents articles “Zapper Kafka à Kaffa” (voir la liste ici : de III-A à III-T, articles qui apparaissent à la lecture sur l’interface du blog dans le sens inverse, du bas vers le haut (ce qui a été corrigé depuis, les articles sont à présent à l’œil dans le bon ordre de lecture).
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‒ Alors on dit “zapper”, (zapper Kafka à Kaffa), comme si nous l’avions évité volontairement (le “Kafka”) ou comme si nous avions détourné le regard à son passage dans les rues de Kaffa.
Nous allons essayer de comprendre, un peu comme dans le roman de l’auteur américain Richard Brautigan, “Retombées de sombrero” (Sombrero Fallout : A Japanese Novel, 1976), quand au début de cet ouvrage l’histoire annonce qu’un sombrero tombé du ciel a atterri dans la rue principale d’une petite ville et que, par une série d’événements tout aussi absurdes et hilarants les uns que les autres, des émeutes et des cataclysmes, ce même sombrero entrainera la ville dans le chaos le plus burlesque et le plus abracadabrant.
‒ « “A sombrero fell out of the sky and landed on the main street of town in front of the mayor, his cousin, and a person out of work. The day was scrubbed clean by the desert air. The sky was blue. It was the blue of human eyes, waiting for something to happen. There was no reason for a sombrero to fall out of the sky. No airplane or helicopter was passing overhead and it was not a religious holiday.” »
‒ « Un sombrero se détacha du ciel pour aller atterrir dans la Grand-Rue de la ville : aux pieds du maire, de son cousin, et d’une personne sans travail. L’air du désert avait délavé le jour. Le ciel était bleu. Bleu comme un oeil d’humain. D’un humain qui aurait attendu que quelque chose se produise. Il n’y avait aucune raison pour qu’un sombrero se mette à tomber du ciel. Pas d’avion ni d’hélicoptère à passer là-haut. C’était pas non plus jour de congé religieux. »
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Nous essaierons donc d’envisager comment la chose s’était passée, comment “Kafka a bien pu rater Kaffa”, comme Spinoza oublier sa goélette pour Amsterdam et s’attarder “plus que de normal” sur ce grand plan du P.
Cela pourrait présenter des aspects bien étranges et déraisonnables ; toutefois, une étude aussi sérieuse que la nôtre offrira certainement des éclairages inattendus.
On se souvient comment Homère a pu se pencher sur la guerre en parodiant sa propre Iliade et en raconter les tenants et les aboutissants dans le récit intitulé “La Batrachomyomachia” (Source2 ; Source3), c’est-à-dire tout bonnement « La Bataille des grenouilles et des rats ».
Et ainsi, par l’entremise d’un pareil texte, tout était devenu plus limpide, et tellement, que bien plus tard, le poète italien Giacomo Leopardi en fit des traductions (trois fois de suite) ‒ jusqu’à élaborer en 1842 un second texte, “Paralipomènes à la Batrachomyomachie” (Supplément au Combat des rats et des grenouilles) [1] [2] [3] en tant que suite de celui d’Homère ‒ et s’en servit comme instrument d’optique et de vision pour mieux voir et comprendre la situation politique entre italiens et autrichiens à son époque (le XIXième siècle) et en faire la satire et la parodie burlesque pour en relever toute l’absurdité et « l’infinie vanité », comme par exemple celle des errances et des jeux grotesques et ridicules et au final nocifs, les bras de fer, les excès, les détournements, de toute droite et de toute gauche politiques ‒ nous pourrions nous-mêmes la réutiliser pour notre actualité ; tout comme d’ailleurs, pourquoi ne pas reprendre le chapelet des “Mazarinades” ? (Source2 ; Source3), pamphlets politiques publiés entre 1648 et 1653 et adressés à l’encontre du principal ministre d’état, le cardinal Mazarin, et de ce qui était considéré comme son épouvantable politique ‒.
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De même on avait compris que l’Apocoloquintose (ou pour décrypter le titre : « la Métamorphose de l’empereur Claude en citrouille », le nom apocoloquintose étant une parodie du terme “apothéose”) (Source2) de Sénèque pouvait bien servir de lampe de poche pour voir des choses jusqu’alors invisibles.
Nous irons même chercher dans les carnets et journaux de voyage de Kafka afin de trouver une trace de ce non-passage à Kaffa.
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Et alors :
Mais qui a bien pu aller à Kaffa ?
Qui sait ? à part peut-être A.R. que Kafka orthographie “Er” (Lui ou Il) dans l’une de ses nouvelles (cinquième point que nous traiterons) ; en effet, c’est ce qu’on pense, que son orthographe a ripé, que le crayon de Franz a changé le “A” en “E”, alors qu’il s’agit bien de la fameuse icône, la rimbaldienne, l’Arthur Rimbaud (1854-1891) devenu figure abyssine.
Elle, cette figure, qui rimbe, qui rhombe, qui va déguerpir vers ce que l’on appelle la Corne de l’Afrique ; elle qui avant de partir en 1874, de Bruxelles puis de Paris, n’est parvenue à publier que quatre poèmes (et, son seul ouvrage, Une Saison en enfer publié à compte d’auteur mais resté dans les caisses, puisque Rimbe n’a pas été en mesure de payer les frais d’impression et laisse le gros de son édition chez l’imprimeur, ce livre sera donc imprimé mais jamais distribué (Source).
Et, cette figure, A.R., pourtant ne sait faire que cela : poésie, poésie déréglée, poésie en prose, poésie sans ponctuation…, pas autre chose (ni théâtre ni roman, etc.) ; c’est nul, se dit que cela ne marche pas, que c’est la fin des haricots. Donc A.R. à dix-neuf-vingt ans se retrouve with no money et sans soutien.
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Lettre d’A.R. à Jules Andrieu, 16 avril 1874. (Jules Andrieu était membre du Comité central de la Commune). (Source1 ; Source2 ; Source3 ; Source4 ; Source5 (fac-simile))
Avant de se rendre de nouveau à Londres de mars à juin 1874 avec, cette fois, Germain Nouveau (on ne pourrait mieux dire), il pense pourtant à un nouveau projet poético-littéraire, L’Histoire Splendide :
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Le titre dit tout, l’ouvrage serait rédigé en anglais et consisterait en « la véritable Histoire, littéralement et dans tous les sens » (selon Sollers dans son roman Désir (2020)) ;
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A.R. l’écrit : ce sera « une série indéfinie de morceaux de bravoure historique, commençant à n’importe quelles annales ou fables ou souvenirs très anciens… d’une archéologie ultra-romanesque suivant le drame de l’histoire, du mysticisme de chic, roulant toutes controverses, du poème en prose à la mode d’ici, des habiletés de nouvelliste aux points obscurs… » ;
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et il précise : « je sais comment on se pose en double-voyant pour la foule, qui ne s’occupa jamais à voir, qui n’a peut-être pas besoin de voir » (on reconnaît là quelque parenté avec La Pébipologie et son histoire de “double-vue").
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Mais son projet ne trouve pas de répondant : car à sa « Réponse s’il vous plait » (lettre d’A.R. à Jules Andrieu, 16 avril 1874, inédite, retrouvée en 2018 ; Source2), il n’y n’aura ni écho ni réponse. Oui, dans sa lettre du 14 octobre 1875 d’A.R. à Ernest Delahaye, il annonce que c’est bien la fin des haricots (Source) ; Verlaine le remarquera : « Au fond c’est triste. Est-il assez toqué ? » (Paul Verlaine, lettre à Ernest Delahaye, oct. 1875). Certaines personnes l’auront imaginé participer à La Commune…
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Lettre d’A.R. à Jules Andrieu, 16 avril 1874. (Source1 ; Source2) ; Source3 (fac-simile)
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Alors A.R. décide de dealer sa vie : apprend l’allemand à Stuttgart, puis l’italien à Milan, suit des cours de solfège et de piano à Charleville, se rase la tête, passe en Autriche avant de revenir vite et de gagner la Hollande (pays de Spinoza après le P), s’engage dans l’armée coloniale néerlandaise en mai 76 (Source), et ainsi militaire part à Java en passant par Naples, Suez, Aden (Ah ! déjà…) et aboutit à Jakarta, puis déserte, s’enrôle sur un voilier écossais pour un retour en Europe, rejoint en décembre Queenstown en Irlande, avant Cork, Liverpool, Le Havre, Paris et son berceau Charlestown (comme Rimbaud aime à appeler sa ville Charleville), passe à Brême en mai 77 pour demander à entrer dans la marine américaine (sous le nom de John Arthur Rimbaud, en Amérique car il pense aux inventions de Graham Bell, aux aventures narrées par Mayne Reid, aux incroyables Florides et aux fleuves impassibles de son Bateau Ivre, etc. (Source), se retrouve interprète dans un cirque à Hambourg, marin à Stockholm, dans une scierie en Suède (Source), puis, de retour par Bordeaux, débardeur à Marseille, tente de joindre l’Égypte, bute à Civitavecchia, revient à Marseille, « l’homme au semelles de vent est décidément lavé ; rien de rien » (lettre d’Ernest Delahaye à Verlaine, été 1878, notifiant un Rimbaud paraissant désormais asséché de toute sève poétique) ; fait les moissons dans les Ardennes en été 78, traverse les Vosges puis les montagnes pour arriver à Gênes, s’embarque enfin pour Alexandrie, se retrouve en décembre 1878 chef de chantier à Chypre, et malade repasse par les Ardennes, avant de retenter la traversée vers Alexandrie, alors, c’est le saut, de l’autre côté de la Méditerranée, en 1880, se retrouve de nouveau à Chypre, surveillant de chantier sur les monts Troodos (Source2), reprend pied sur le continent africain pour devenir en novembre acheteur (de peaux et de café) entre Aden et Harrar, dans d’incessants va-et-vient entre l’actuel Yémen et l’Éthiopie, pense fuir vers Zanzibar ou Panama (“fuir toujours” car sa situation militaire non réglée n’en finit pas de le poursuivre) (« Et peut-être ne partirai-je pas pour Zanzibar, ni pour ailleurs… » (lettre de Rimbaud le 24 août 1887) ; (Source2), fait de la photographie en 1882 (ses portraits en pied en témoignent) (Source1 ; Source2), écrit un rapport sur l’Ogadine pour la Société de géographie (publié en 1884) (pendant ce temps, en novembre 1883, Verlaine le fait “poète maudit"), gère un commerce de moka durant l’année 1885, pour ensuite, en 1886-1887, se retrouver revendeur de fusils au roi Ménélik dans la région de Choa (Source1 ; Source2), durant le long trajet explore encore l’Ogaden (à la recherche secrète des fameuses sources du Nil) (ancienne Ogadine), apprend et prêche le Coran (qu’il avait avec lui depuis ses 15 ans : et qu’il cite dans Une Saison en enfer) (Source1 ; Source2), avant de joindre en août Le Caire et de s’installer à Harar pour ses dernières années ; atteint d’une synovite, puis d’un néoplasme à la cuisse (Source), retour à Marseille pour une amputation de la jambe droite : Rimbaud, Rimbe, Rhombe,boite définitivement, béquilles, jambe de bois. Est définitivement et enfin réformé de l’armée (la hantise qui l’a poursuivi et qui l’a fait s’échapper et courir dans tous les sens) ; repasse une dernière fois à Charlestown/Charleville, mais doit retourner à Marseille où il succombe.
‒ (sources pour ce passage = Wikipedia ; et Jean-François Muller, “Arthur Rimbaud aux confins de l’Ogadine et ses rêves d’explorateur”, Académie Nationale de Metz, 2016)
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A.R. était donc devenu double : poète et non-poète. Il ne savait pas (ou plus) qu’entre-temps, sans qu’A.R. en eût connaissance, courant 86, ses ouvrages avaient été publiés : Voyelles, Le Bateau Ivre, puis Les Illuminations et Une Saison en enfer… On remarquera que même la séquence des titres égrénés de cette façon restitue le sens de son déguerpissement — nous en lisons les trajectoires en suivant ses lettres.
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On suit donc ces personnes qui déguerpissent, qui, comme le dit Barthes, “esquivent” et “déjouent”.
Et il est à noter que toutes ces personnes, emmenées par le ouesterne de La Pébipologie, Arth. Rimb., Kafka, puis Proust, parfois Zappa, portent un chapeau, ce qui ne peut qu’alimenter en retour et de surcroît cette science quelque peu occulte et secrète dont La Pébipologie est devenue spécialiste : la chapologie.
Car si tout relie et s’associe par les chapeaux, on en verra donc quelques-uns dans les quelques pages et articles qui vont suivre :
• celui de Marcel Proust en 1905 en cure à Évian ; plus un canotier qu’il portait en 1893 à Cabourg ;
• alors que nous avons beaucoup vu ceux de Kafka dans les articles précédents, donc attachons-nous ici à Arthur Rimbaud via une photographie étrange (fût-elle fausse…) dans laquelle on le voit avec ce chapeau type Stetson… Ce sera notre deuxième point avant d’en aborder d’autres plus loin dans cette nouvelle série d’articles…
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