LE PROJET NEUF
2023-07-03/08-10 - prolégomènes III-S au ouesterne : zapper kafka à kaffa (commentaires : les processus)
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Études pébipologiques.
Quelques sources…
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chronologie des prolégomènes :
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Le menu de ce chapitre :
- 24 ‒ introduction : A.R., Er, Harrar, Aden
- 25 ‒ Premier point : le chapeau-mélan-léman : le chapeau de Marcel
- 26 ‒ Deuxième point : la photo truquée : le chapeau d’Arthur
- 27 ‒ Troisième point : naviguer en eaux troubles : Chris Burden
- 28 ‒ Quatrième point : la problématique du cliché dans le ouesterne : Johnny Hawks et Briggs
- 29 ‒ Cinquième point : Er de Kafka
- 30 ‒ Sixième point : question : les prolégomènes
- 31 ‒ Septième point : les processus d’écriture
- 32 ‒ Huitième point : le carnet de Kafka
- (image frontispice : le fameux couvre-chef “deerstalker”, emblématique du détective Sherlock Holmes qui lui aussi, à l’instar de Tom Mix, ne semble jamais s’en séparer, ceci pour indiquer qu’à présent dans les prochains articles Spinoza Spinola mène l’enquête.)
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Septième point :
Processus d’écriture
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Pour le vingtième épisode du ouesterne spinoza, intitulé Le Pourpre d’Horace, divulguons nos sources qui à partir de procédés de digression systématique, permettent de partir d’un point A (un premier groupe de mots) pour aller vers un point B (un second groupe de mots qui peut ne rien à voir avec le premier) en élaborant une écriture entre A et B (un peu à la manière de Raymond Roussel (1877-1933)).
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Puisque ce pourpre dont parle Horace, ce pourpre qui part en lambeaux (panni purpurei) et en folie, et dont l'"Art Poétique" de cet Horace nous dit que la poésie ne doit chercher que l’unité et ne peut s’aviser de coller une tête humaine sur un cou de cheval, alors que pour notre part on y verrait là tout un intérêt : comme si l’intention était de “dire autre chose que ce qu’on voulait faire entendre” (on pense au witz de Freud) ou d’espièglement “donner à entendre une chose différente de ce que l’on a dit”, ce qui déclenche le rire et les sourires, et par la suite une immense hilarité [1] [2].
Des mirages donc, des paréidolies…
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- Petite note sur Roussel :
- Le procédé de Roussel (à lire ici) basé sur l’homophonie jusqu’à emprunter des bribes de langage aussi insignifiantes que possible, « J’usais de n’importe quoi », vise à produire du signifiant à partir de signifiants quelconques sous lesquels il tente d’effacer son énonciation. — Par exemple : à partir de la phrase « Napoléon premier empereur », on peut déduire : « Nappe ollé ombre miettes hampe air heure. », d’où les danseuses espagnoles montées sur la table et l’ombre des miettes visible sur la nappe — puis l’horloge à vent du pays de Cocagne : hampe (du drapeau) air (vent) ; ou encore du nom de l’appareil dénommé « Phonotypia » : cela donna « fausse note tibia », d’où le Breton Lelgoualch (« L’unijambiste Lelgoualch jouant de la flûte sur son propre tibia ») ; comme aussi il se servit du nom et de l’adresse de son cordonnier : « Hellstern, 5, place Vendôme », dont il fit « Hélice tourne zinc plat se rend (devient) dôme ». — Mais différemment de ceux de James Joyce [2], ses textes simulent le chiffrage du rêve, mais d’un rêve dont le contenu latent tiendrait en des bribes de langage insignifiantes (Source).
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- Petite note sur un de nos propres procédés :
- Un autre procédé utilisé est d’emprunter des phrases qui servent de lest dans les romans et les récits, telles les descriptions plutôt banales de transition, parfois sans style et sans incidences directes sur l’action décrite et qui font tampon (on les appelle parfois “phatiques"), et qui finalement et en général servent à donner ou illustrer le contexte.
- Par exemple Flaubert dans “Madame Bovary” (1856) : « La plate campagne s’étalait à perte de vue, et les bouquets d’arbres autour des fermes faisaient, à intervalles éloignés, des taches d’un violet noir sur cette grande surface grise, qui se perdait à l’horizon dans le ton morne du ciel » ; « Le soleil se couchait ; le ciel était rouge entre les branches, et les troncs pareils des arbres plantés en ligne droite semblaient une colonnade brune se détachant sur un fond d’or […] » ; « Mais non ! la campagne n’avait rien d’extraordinaire : le ciel était bleu, les arbres se balançaient ; un troupeau de moutons passa. » ;
- ou alors des “pioches” faites dans des volumes de la série Western de la collection Masque Noir (ici, le n° 157) : « Car la journée avait été longue et dure. » ; « Un ruisselet coulait entre les rochers et allait remplir une sorte de cuvette rocheuse. » ; « Le vent continuait à gémir dans le col. » ; « Le silence retomba pendant quelques instants. » ; « La fumée se faisait plus épaisse et plus visible. » .
- — Le procédé est de prendre ces phrases provenant de différentes sources (le mieux est de les mélanger afin de ne pas créer un amas d’un même style) et de trouver des synonymes (ou parfois des homophonies) aux mots, puis de voir ce que donne la phrase-paraphrase, jusqu’à, à partir de là, la déformer, ajouter des éléments, etc. Puis ensuite, articuler des phrases entre elles, plusieurs, ou une à une, voir ce qu’elles donnent ensemble, puis si nécessaire, ce qui toujours le cas, compléter en inventant d’autres phrases ou propositions, tout en modifiant les premières, le tout afin d’aller d'un point A à un point B (ou de donner cette impression à la lecture), ou bien de faire des boucles digressives permettant de faire avancer un récit avec plus de lenteur, mais aussi avec plus d’images… Comme des sortes de miroirs et de kaléidoscopes…
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Donc pour cet épisode 20 (Le Pourpre d’Horace, ou Épisode sans intrigue) que nous avons lu plus tôt dans l’article qui le présente, il y a principalement trois sources dans lesquelles les bribes et les amorces ont été piochées :
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- 1/ Mayne Reid, Le Chef Blanc (The White Chief), 1855.
— (Résumé : À la suite d’un acte de courage fortuit dont il a fait preuve dans la lutte qui oppose la tribu des Wacoes à celle des Pawnies, Carlos a été nommé chef des Wacoes. Il est devenu le CHEF BLANC. Carlos habite avec sa mère et sa sœur Rosita la petite ville de Saint-Ildefonse, où les occupants espagnols mènent joyeuse vie. Considéré par ces derniers comme hérétique, Carlos est poursuivi d’une haine farouche par des militaires de la garnison, le capitaine Roblado, le lieutenant Garcia et surtout par le commandant Vizcarra qui convoite la main de Rosita, aimée par le ranchero don Juan).
Autant par le fait d’avoir été marqué il y a extrêmement longtemps par ce même livre, que par le clin d’œil fait à A.R. (Arth. Rimb.) puisqu’entre-temps nous avons appris qu’il s’abreuvait de ce genre d’ouvrages, et que nous retrouvons ces références dans Le Bateau Ivre (1871), tant et tant que ce poème nous livre une série de visions qu’il peut être tentant de rapporter à d’autres récits maritimes – vaisseaux fantômes de Marryat, Maelström d’Edgar Poe, « Peaux-Rouges fuyards » de Mayne Reid ou de Chateaubriand, anecdotes de voyages extraordinaires qui fleurissaient dans les périodiques de l’époque… (Source) :
- « — J’ai emporté la moitié de vos livres ! J’ai pris le Diable à Paris. Dites-moi un peu s’il y a jamais eu quelque chose de plus idiot que les dessins de Granville ? — J’ai Costal l’indien, j’ai la Robe de Nessus, deux romans intéressants. Puis, que vous dire ?… j’ai lu tous vos livres, tous ; il y a trois jours, je suis descendu aux Épreuves, puis aux Glaneuses, — oui, j’ai relu ce volume ! — puis ce fut tout !… Plus rien ; votre bibliothèque, ma dernière planche de salut, était épuisée !… Le Don Quichotte m’apparut ; hier j’ai passé, deux heures durant, la revue des bois de Doré : maintenant, je n’ai plus rien ! »
— (Arthur Rimbaud, Lettre à Georges Izambard, le 25 août 1870)
Que, comme nous l’avons signalé, l’on peut retrouver dans les lignes du Bateau Ivre (que plus tard ré-empruntera J.G. Ballard dans son “Jour de la Création” (1987) [1] [2], sur ce Nil destiné à refleurir le Sahara) :
« Comme je descendais des Fleuves impassibles,
Je ne me sentis plus guidé par les haleurs :
Des Peaux-Rouges criards les avaient pris pour cibles,
Les ayant cloués nus aux poteaux de couleurs. […]
J’ai heurté, savez-vous, d’incroyables Florides
Mêlant aux fleurs des yeux de panthères à peaux
D’hommes ! Des arcs-en-ciel tendus comme des brides
Sous l’horizon des mers, à de glauques troupeaux ! »
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- 2/ la quatrième de couverture du livre de Mircea Eliade, Andronic et le serpent (Șarpele), 1937.
— (Résumé : Dans les Carpates de Dracula, Dorina et quelques-uns de ses amis vont s’amuser dans la forêt, ils organisent une petite fête, jusqu’à l’apparition, un soir d’orage, d’un jeune homme d’une extraordinaire beauté bouleverse la vie du groupe de touristes en villégiature dans un monastère. Ils veulent bien le dépanner et Andronic se met à faire la fête avec eux. Qui est-il vraiment ? Il divertit tout le monde en pleine nuit dans la forêt avoisinante, et connaît des légendes inquiétantes … Ensemble ils font plusieurs jeux, dont un où tous se cachent. Andronic prétend alors invoquer un serpent aux pouvoirs surnaturels. Dès cet instant, ils sont transportés de l’autre côté du miroir. Une nouvelle fantastique d’Eliade dans laquelle le lecteur comprendra vite que le serpent, c’est Andronic lui-même, personnage fascinant par excellence, un être tellurique, primordial qui suscite chez les femmes une sorte d’extase érotique impersonnelle et initie les autres au pouvoir de la nature. Tout au long de l’histoire, la rupture avec le réel n’est pas nette. Les épisodes surnaturels s’allient au réel avec un certain naturel pour engendrer une autre réalité acceptée par les personnages principaux. Il n’y a pas véritablement de frontière entre le réel et l’irréel. L’auteur joue avec l’imaginaire du lecteur tout en utilisant des codes assez simples : le lac, la forêt, l’obscurité. Un univers qui nous absorbe sans délivrer totalement son sens. Au cours de cette œuvre, l’auteur illustre l’évolution de la morphologie de l’être humain, qui a finalement atteint un état paradisiaque en l’état d’androgynie. [1])
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- 3/ et un ouvrage sous le nom du Comité Vérité Toul, “La Révolte de la Centrale Ney, 5-13 décembre 1971”, Paris, Gallimard, La France Sauvage, 1973 (source).
— (Pour info, et ceci peut résonner dans notre actualité : Ces émeutes, dont celle de la centrale Ney de Toul en décembre, s’inscrivaient dans une vaste contestation du régime pénitentiaire, née au début de l’année 1971 à partir des revendications des militants maoïstes emprisonnés mais qui, dans les semaines suivantes, avait radicalement changé de nature en luttant en faveur des droits communs grâce notamment aux campagnes du Groupe d’informations sur les prisons (GIP : autour d’un noyau dur (Daniel Defert, Michel Foucault, Jean-Marie Domenach, Claude Mauriac, Danièle Rancière, Jacques Donzelot, Jacques-Alain Miller et François Régnault) et des interventions de Jean Genet à Jean Gattegno) suivies de celles de Gilles Deleuze et des représentations du Théâtre du Soleil d’Ariane Mnouchkine à la Cartoucherie de Vincennes puis dans la rue. Question posée à l’Assemblée Nationale par Michel Rocard, alors secrétaire général du PSU : « Était-il normal qu’on inculpe des détenus dont l’action [avait] permis que soit alertée enfin la vigilance de ses services et que soit enfin posé devant l’opinion publique le problème du système pénitentiaire ? ».)
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