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2022-12-22 - penser à la suisse ; rêver à la suisse :
Dans le bassin, sur le port, un voile étrange et parallépipède passe…
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- On utilise l’expression “penser à la Suisse” lorsqu’on veut dire que l’on ne pense à rien. Selon le Littré :
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“Penser à la Suisse”, s’est dit pour laisser aller son esprit à de simples idées qui se présentent à l’imagination, sans prendre la peine d’examiner l’une par rapport à l’autre.
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(Le P. Claude Buffier, “Les Principes du raisonnement exposés en deux logiques nouvelles, avec des remarques sur les logiques qui ont eu le plus de réputation de notre temps”, 1714, § 167)
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Une expression synonyme est : rêver à la moutarde, ou, rêver des genoux…
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- Selon le Littré encore :
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“rêver à la suisse”, c’est « avoir l’air de penser à quelque chose, et ne penser à rien ».
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En 1948 l’écrivain Henri Calet en a fait un livre : ces récits fragmentaires, véritables prouesses stylistiques, sont des reportages insolites sur un pays resté « neutre et prospère » qui lui parait tout de même très étranger ! Avec candeur ou ironie, Calet s’attarde sur mille détails, la qualité des marchandises, la politesse des commerçants, l’abondance des distributeurs automatiques et la facilité avec laquelle il est possible de se procurer des cigarettes.
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(Source : https://www.ombres-blanches.fr/product/ean/9782889550449/henri-calet-rever-a-la-suisse )
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On poursuivra avec Marcel Proust, passant par les images et la pensée, de Paris à Venise et à Delft, etc. :
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Pendant son séjour à Venise, le narrateur de la Recherche pense à la Hollande :
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“En réalité j’avais fort mal choisi mon observatoire, d’où je distinguai à peine notre cour, mais j’en aperçus plusieurs autres ce qui, sans utilité pour moi, me divertit un moment. Ce n’est pas à Venise seulement qu’on a de ces points de vue sur plusieurs maisons à la fois qui ont tenté les peintres, mais à Paris tout aussi bien. Je ne dis pas Venise au hasard. C’est à ses quartiers pauvres que font penser certains quartiers pauvres de Paris, le matin, avec leurs hautes cheminées évasées, auxquelles le soleil donne les roses les plus vifs, les rouges les plus clairs ; c’est tout un jardin qui fleurit au-dessus des maisons, et qui fleurit en nuances si variées, qu’on dirait, planté sur la ville, le jardin d’un amateur de tulipes de Delft ou de Haarlem.” (Marcel Proust, La Recherche, Le Côté de Guermantes, volume 3, page 231)
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et, si, étant à Venise, je pense à la Hollande, ou si, étant à Paris, je pense à Venise, qui me fait penser à la Hollande, qui elle-même, me fait penser à la Suisse, où suis-je exactement ? la Hollande existe-t-elle ? Venise existe-t-elle ? et Paris ? (Karen Haddad, LA HOLLANDE EXISTE-T-ELLE ?: une comparaison en morceaux, in Proust et la Hollande, 2011, pp.55-65).
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